Voir le plan de 1751 et celui de 1309
Pourquoi une page pour cette rue peu connue et souvent délaissée ? Un peu à cause de cela, ensuite parce que l'on y habite de façon agréable, c'est la campagne à 150 m du boulanger et des autres commerces. Et aussi parce que retracer son historique permet de se remettre en mémoire quelques moments de l'histoire de la ville.
Il faut commencer l'histoire à la création du Prieuré, aux environs de 1050. Celui-ci a été fondé par Guigues III,
comte du Graisivaudan. Dédié à Notre-dame, il appartenait à l'Ordre des Bénédictins de l'Abbaye de Cluny. Cette communauté
religieuse était arrivée à posséder de très grands biens provenant soit du Dauphin, soit des fidèles.
Le quartier s'appelait l'Armaillaria dont les limites côté ville étaient l'avenue Docteur Tagnard
(ancienne route royale), la rue des Jardins (ancien chemin de Vireveille), la rue des Veilles. La future
rue Saint Jean était donc le morceau d'une des propriétés du Prieuré situé à l'emplacement du presbytère.
La rue des Veilles et la rue des Jardins (sauf le petit tronçon qui débouche sur la rue des fossés) sont des rues
très anciennes, elles sont notées sur le plan de 1309, hors les murs et éloignées du bourg de l'époque, au nord de
la Grande-Rue (magna carreria).
Le prieuré fut détruit en 1579 par Lesdiguières, lors des guerres de religion.
Après la révolution les biens du prieuré furent vendus comme biens nationaux.
En 1834, le dénommé Jean Joseph Reymond divisa un grand champ en petits lots. Pour accéder à ces
lots, il fut créé un chemin d'environ 3 mètres de large.
Une hypothèse simple et logique sur l'appellation future : le prénom du propriétaire !
Des parcelles sont vendues par lui-même et plus tard par son fils Louis-Antoine-Augustin Reymond, ancien membre
du conseil général et ancien maire.
Date de l'appellation rue Saint Jean ? : un acte en 1854 parle toujours de chemin, un acte de 1876 mentionne
le rue Saint Jean. La rue est une voie privée.
Extrait de registre des délibérations du Conseil municipal du 27 février 1904 suite à la proposition de Henri Ruelle,
propriétaire de la rue, de la céder à la ville :
M. le Président donne lecture à l'assemblée d'une lettre de M. Ruelle (Henri), acquéreur Reymond, qui offre à la Commune le sol de cette voie privée.
Une commission d'études a été nommée par le Conseil. Cette commission estime que l'acceptation de l'offre de M. Ruelle par la Commune constituerait un précédent, une décision de principe et entraînerait des obligations de traitement égal pour les autres propriétaires de voies privées.
Il faut retenir qu'il ne s'agit pas de rues méritant cette dénomination, mais de petites ruelles étroites où la circulation est difficile sinon impossible. Devenant propriété communale, il faudrait prévoir des élargissements très coûteux et enfin la mise en état de viabilité. Ce serait un projet à dresser avec devis de la dépense à l'appui, et la création de ressources correspondantes.
Les objections tirées de la malpropreté de ces voies privées tombent devant les pouvoirs de police attribués au Maire sur ces sortes de voies. Le Conseil, sur ce point, est unanime à reconnaître qu'au point de vue de la salubrité, il y a des mesures de police urgentes qui s'imposent à la vigilance du Maire.
Mais en raison de la gravité de la question et des dépenses qu'elle comporte,
Le Conseil, après discussion approfondie, ajourne l'étude d'ensemble à faire ; dit que l'offre de M. Henri Ruelle se trouve comprise dans cet ajournement.
Cette délibération est signée par Le Maire de la Mure, Chion-Ducollet
Avant 1903, La Mure ne disposait que de 200 litres d'eau à la minute, en cas de sécheresse ce niveau descendait à
80 litres ! Ceci pour 3300 habitants, il y a très peu de fontaines et il faut souvent aller chercher l'eau assez loin.
En 1903, on amène les eaux du Boutailleret, elles proviennent de nappes profondes produites par les infiltrations du
lac de Pierre-Châtel. La ville dispose maintenant de 1 800 litres d'eau à la minute. La distribution peut se faire
dans tous les quartiers, d'où l'installation de nombreuses fontaines, de lavoirs couverts, de WC et d'édicules publics.
La solution des eaux de Rif Bruyant, qui sera mise en place en 1957, avait été envisagée, mais jugée trop chère.
Et l'on installe le tout-à-l'égout. (P. Berthier pp. 300 à 303)
Les habitants de la rue Saint Jean, n'ont aucun droit sur la rue qui appartient à Henri Ruelle, ils ne possèdent que
le droit de passage. Ils n'ont pas droit à cette nouvelle manne, ils doivent aller chercher l'eau à la fontaine au
sommet de la rue et il n'est pas question de tout-à-l'égout, malgré les actions des habitants et propriétaires des
jardins qui n'ont pas l'appui du propriétaire ce qui rend bien difficiles les discussions.
Juste après la guerre, la situation évolue, bien que le statut de la route reste le même, on installe l'eau et les
égouts, ce sont les prisonniers allemands qui creusent.
La notion de rue privée va se diluer avec les héritiers de Henri Ruelle.
Sautons à fin 1972, Les possesseurs des jardins reçoivent un courrier très perturbant de la municipalité de gauche
élue en 1971, Louis Mauberret étant le nouveau maire :
Notre municipalité envisage pour les besoins de la Ville d'acheter les terrains qui se situent dans le périmètre compris entre la rue Saint Jean, le cimetière, la cure et la route départementale 116, Boulevard Docteur Tagnard.
Vous êtes propriétaire d'une parcelle qui nous intéresse [...]
En conséquence nous vous demandons de bien vouloir venir en Mairie en vue de vous entendre à ce sujet[...]
La lettre est signée du Maire Mauberret.
Ce projet de parking, mal ficelé, contesté aussi en dehors des personnes concernées, va traîner et être enterré aux élections
municipales suivantes de 1977 puisque les élections sont gagnées par la droite et Jean Morel retrouve son poste
de Maire.
La nouvelle municipalité présentera pour régler ce problème de parking, une solution plus consensuelle, celle qui
existe actuellement à la place de l'ancienne cure. Le quartier est complètement modifié avec le central télépbonique,
le clos Chalon, le bâtiment Serrioux et le parking. Ces travaux ont permis de faire des fouilles archéologiques et
de découvrir l'existence de la Mure au deuxième siécle (Mémoire d'Obiou n°4, M. Casanova, La Mure au IIe
siècle de notre ère)
On lit dans le récent livre Petite histoire du nom de nos rues, paru en 2006, une étrange information, on aurait
interverti des plaques ! Une telle chose semble, dans l'absolu, impossible, l'anomalie serait immédiatement détectée et
rapidement corrigée. Dans notre cas, il est facile de démontrer que cette hypothèse est fausse, il suffit de se reporter
dans le temps où les noms ont été donnés.
1843, on nomme la rue des Jardins, à côté un chemin privé qui deviendra plus tard la rue Saint Jean
Quelle église ? la nouvelle n'existe encore pas.
V. Miard nous rapporte (p.81) qu'en 1843, le conseil municipal décide que chaque rue doit porter une
inscription nominative spéciale et chaque bâtiment un numéro d'ordre.
De nombreuses rues ont déja un nom et le gardent, d'autres vont en changer, par exemple, l'actuelle place
de la Liberté qui était à l'époque la place Froide devient place Napoléon...
On donne un nom aux autres: par exemple, la rue des Alpes, la rue du Nord, et pour revenir à notre propos,
la rue des Jardins. Effectivement il n'y a plus de jardins aujourd'hui mais sur le plan de 1751,
la partie nord de la rue est bordée dans sa totalité par des jardins, la partie sud par un champ ; en 1843,
lors de son baptême, il devait en rester une grande partie et l'on n'a pas fait preuve d'imagination
pour trouver un nom.
A cette période la future rue Saint Jean n'était qu'un chemin privé sans nom.
Large de 3 m comme à l'origine, toujours impasse, la contrainte d'alignement annulée, elle traverse une période calme dans un environnement amélioré avec de nouvelles constructions, moins de jardins, des murs moins hauts et un peu plus de vie. Un seul bémol, un sol très dégradé qui mériterait rapidement un nouveau revêtement !
Là aussi on retrouve le calcaire de Laffrey pour les murs de rue, de jardins et les anciennes maisons
avec plus ou moins de roches exotiques.
La terre des jardins, à l'origine moraine argileuse, a été dépierrée, amandée, travaillée par des
générations de jardiniers. Elle est devenue une excellente terre facile à travailler.