Géologie

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LE TRIAS

Cote dure
Une belle coupe colorée du Trias à Côte dure

Depuis la page précédente évoquant le Carbonifère et le charbon, il s'est passé beaucoup de temps, une période entière, le Permien, 45 millions d'années (de -295 à -250 Ma), nous l'évoquons à propos de la discordance des Chusins. Durant cette période : de la tectonique (l'accident médian poursuit son activité pendant une bonne partie), de la sédimentation (dépôts des produits du démantèlement de la montagne hercynienne) et ensuite forte érosion (de tous ces sédiments et d'une partie du carbonifère).

Le Primaire s'achève par la plus grande extinction connue par la Terre, plus de la moitié des familles d'organismes marins disparaissent et les vertébrés terrestres sont décimés; on évalue qu'environ 95% des espèces ont disparues de la surface du Globe. La crise touche aussi les flores continentales. Elle est datée entre 252,3 et 251,4 Ma.
La cause est un phénomène volcanique important : les trapps de Sibérie, plus de 2 millions de m3 de basalte déversés pendant près d'un million d'années. Les gaz émis, les pluies acides, les poussières rendent la vie très difficile.
A ceux qui s'inquiètent de la disparition de certaines espèces il faut dire que la biodiversité actuelle représente tout au plus 1% de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé. Cela signifie que 99% des espèces se sont éteintes soit par remplacement soit au cours d'une des crises périodiques.

Un survol du Trias

On se retrouve donc, au début du Secondaire (-250 millions d'années) avec un continent unique, la Pangée. Aucune montagne, pas de relief, une suite de sols plats ou de petites collines, on parle de pénéplaine anté-triasique. La végétation doit être limitée car régulièrement détruite. Quant à la faune, il va falloir du temps pour que les survivants de la crise réinvestissent le territoire et se diversifient, le règne des Dinosaures va se préparer.
C'est une des périodes les plus chaudes de l'histoire de la Terre. Pas de glace aux pôles, il y fait chaud même en hiver. A l'intérieur de ce grand continent, le climat est très chaud et sec.

Le Trias inférieur

De -250 à -240 millions d'années, autrefois nommé par un terme allemand "Bunstsandstein" qui signifie grès bigarrés. Nous ne sommes pas concernés par ces formations car chez nous rien n'est changé par rapport à la fin du Primaire, la mer triasique qui entraîne des dépôts importants plus au nord comme par exemple en Alsace n'est pas encore arrivée. Nous sommes toujours en régime continental.

Le Trias moyen

De -240 à -230 millions d'années, autrefois nommé "Muschelkalk" qui signifie calcaire coquillier. La mer n'arrive dans notre région que vers la fin de cette période.

Le Trias supérieur

De -230 à -203 millions d'années, autrefois nommé "Keuper" qui signifie argiles bariolées. La mer est peu profonde, nous avons un paysage de marais, de lagunes, de gigantesques marais salants où se déposent du sel, du gypse, des dolomies.
Dans la deuxième partie de cette période, notre continent unique, qui du fait de sa surface a du mal à évacuer sa chaleur, va commencer à se fissurer ce qui va provoquer des coulées de basalte évolué aujourd'hui en spilite, nous lui réservons la prochaine page.

Les roches du Trias sont dans certaines régions très épaisses, par exemple de l'ordre de 1 000 m en Alsace, 200 m de sel dans le Jura. Ici seulement une épaisseur de 50 à 100 m (hors spilites) et on ne retrouve pas toujours la couche saline, probablement parce qu'elle a été laminée, dilacérée, du fait des chevauchements et des glissements alpins qui se sont produits sur cette couche la plus déformable.

Les roches locales triasiques

Grès de base

Les conglomérats, grès qui sont des produits d'altération. C'est cette formation que l'on trouve à la discordance des Chuzins

Dolomie

La dolomite, minéral de formule CaMg(CO3)2, carbonate double de calcium et de magnésium.
Dans la roche, la dolomie, le pourcentage de dolomite est rarement de 100 %, on va des calcaires dolomitiques (10 à 50 %) aux dolomies (90 à 100 %).
Elle peut avoir plusieurs aspects, massive et grise, plus ou moins conglomératique, ou altérée avec une couleur ocre qui lui vaut le nom de dolomie capucin par analogie avec la robe de bure des moines, dans ce cas elle se distingue bien dans la nature.

dolomie capucin
Affleurement de dolomie "capucin"

conglomérat dolomitique
conglomérat dolomitique

morceau de dolomie avec cristaux de pyrite
Dolomie grise avec de nombreux cristaux cubiques de pyrite (Côte dure)

Argilites vertes et rouges

Appelées ainsi à cause de leur structure très fine, elles sont composées d'un mélange de quartz en grande proportion, de dolomie et de calcite dans une plus faible proportion et d'oxyde de fer et de minéraux argileux en assez faible quantité. Le terme "argilite", pas très adapté, est dû plus à la granulométrie fine qu'à la composition.
La couleur dépend uniquement d'un phénomène d'oxydo-réduction du fer. Les argilites sont vertes lorsqu'elles sont en milieu réducteur, c'est-à-dire dans la nappe phréatique et rouges en milieu oxydant, c'est-à-dire au-dessus de la nappe phréatique.


Argilites verte et rouge (Vet)


Argilite entre deux coulées de spilite au col d'Hurtières


Argilite (Vet)

Gypse

Minéral de formule CaSO4,2H2O, c'est un sulfate de calcium hydraté. Matière première pour le plâtre obtenu en chauffant le gypse de 100 à 200 °C pour le déshydrater, ce qui donne un sulfate de calcium hémi-hydraté CaSO4,0,5H2O (ou bassanite, roche artificielle qui n'existe pas dans la nature). Lorsque l'on gâche le plâtre on le réhydrate et on le retransforme en gypse.
Une variété donne de l'albâtre, gypse très finement cristallisé, blanc et translucide, on l'utilise en sculpture, se travaille facilement et a l'aspect du marbre. (voir complément en bas de page)
Le gypse se raye à l'ongle ce qui permet de le différencier de la calcite.

Quelques petites carrières de gypse étaient jadis répertoriées ( Le journal des mines de 1832) :
- E. Gueymard (1830) et C. Lory (1860) mentionnent 2 sites à Cognet, sous la chapelle sur les deux rives du Drac et sur le chemin du pont des Rives. L. Caillet reprend l'information et rajoute "des vapeurs d'acide sulfurique ont transformé les calcaires en gypse", c'était une ancienne théorie n'ayant plus cours, elle avait été combattue par C. Lory qui avait bien vu que dolomie et gypse étaient des roches qui s'étaient déposées. (A cette époque on n'avait pas encore défini le Trias, ces deux roches étaient attribuées au Lias.)
- En 1852, Saint Jean de Vaulx demande l'autorisation de louer une carrière de plâtre située sur le Connex.
- La carrière de plâtre rouge de Valbonnais
- Le journal des mines signale les plâtrières de Valjouffrey et de Villard d'Entraigues.
- On peut voir un petit affleurement à Côte dure sur le chemin qui monte au Pérollier.

A Vizille, Champ sur Drac, Saint Sauveur il y a eu des carrières importantes qui ont été exploitées de façon industrielle.
Certains niveaux ont donné de l'albâtre.

gypse de Côte dure
Gypse affleurant à Côte dure

sculpture de la chapelle du cimetière
Sculpture en albâtre au-dessus de la porte de la chapelle du cimetière de Vizille.

extrait du journal des mines
Extrait du Journal des mines, vol. 42, 1812

Une transformation alpine des roches triasiques : les cargneules (cornieules, cornioles)

Pascal Jeanburquin, 1986 :

Le mot corgnieule regroupe des variétés de brèches dolomitiques à ciment calcaire communes dans le Trias alpin.
Ce terme s'applique à de nombreuses variétés lithologiques dont les principales caractéristiques sont :
  - un aspect brèchique (pas toujours évident)
  - des éléments tout d'abord dolomitiques mais aussi d'autre nature
  - une matrice à tendance calcaire
  - une couleur gris-beige à jaune-ocre
  - une porosité superficielle plus ou moins grossière qui s'exprime par un aspect caverneux, vacuolaire plus ou moins prononcé
  - une appartenance quasi unique aux étages du Trias (en général évaporitiques) avec néanmoins des exceptions.

Depuis la situation n'est pas beaucoup plus claire, Serge Fudral écrit :

En fait, les cargneules = roches "à part", assez énigmatiques pour les géologues.
Est-ce un résidu ? ou bien est-ce une roche composée ?
Le caractère particulier des cargneules, c'est qu'elles résultent vraisemblablement de la combinaison de plusieurs évènements : de la fracturation de dolomies, de leur bréchification, de dissolutions différentielles, du développement de cavités, de recristallisations de carbonate de calcium... Le tout s'effectue vraisemblablement sous des pressions faibles et des températures basses (inférieures à 50 °C pour les dissolutions). Et dont l'âge reste difficile à préciser (de tertiaire à très récent, plio-quaternaire).

Il faut donc préciser ce nom générique et ajouter un adjectif ou des explications :
  - les brèches peuvent être monogéniques et ne comporter que des éléments de dolomies, elles sont plus ou moins vacuolaires et/ou cloisonnées
  - elles peuvent être polygéniques et montrer des éléments très divers (dolomie, argilite, spilite, roche du voisinage)
  - nous ne faisons que mentionner les pseudo-cargneules (monolithe de Sardières) dont nous n'avons pas d'exemple local.

Localement, les roches du Trias sont très présentes sans être de grande épaisseur. Les cargneules nous donnent de belles formations : la Pierre percée, curiosité du plateau, très facilement accessible (cargneule monogénique) et d'autres qui sont plus difficiles à approcher, plus surprenantes et plus authentiques (cargneule polygénique), nous présentons l'arche du Vet au-dessus d'Entraigues et les formations du vallon de la Muzelle dont deux belles arches.

cargneule de la Pierre Percée
La cargneule monogénique gris clair de la Pierre percée, vacuolaire et peu cloisonnée.


Cargneule polygénique (dolomie beige, argilite rouge, spilite ou cristallin) dans une matrice fine argilo-calcaire (Vet)

Cargneule monogénique très cloisonnée, Briançonnais.
Cargneule monogénique très cloisonnée, Briançonnais.


Compléments sur l'albâtre

déc. 2016 - Robert Aillaud, fin connaisseur du passé du pays vizillois, montre, par l'étude des textes anciens, l'importance des carrières de Notre-Dame-de-Mésage dans la statuaire française depuis le XIVe siècle. De nombreuses oeuvres majeures ont été réalisées à partir de l'albâtre local.
Aujourd'hui ce lien entre l'oeuvre et la carrière peut être affiné par l'analyse isotopique du Strontium radioactif toujours présent, le dosage des éléments traces et des terres rares.

On peut visionner l'intervention de Robert Aillaud lors du colloque international « Les sculptures en albâtre du XIVe au XVIe siècle » qui s'est tenu le 21 juin 2016. Celle est intitulée "Notre-Dame-de-Mésage, une carrière méconnue mais essentielle".

Sur le plan géologique, le détail de la genèse de l'albâtre reste encore à expliquer :
Gypse - sulfate de calcium hydraté - CaSO4,2H2O
            par enfouissement, déshydratation, recristallisation, transformation en :
Anhydrite - sulfate de calcium anhydre - CaSO4, avec diminution de volume puisqu'il n'y a plus d'eau,
            lors de la remontée des dépôts près de la surface il y a réhydratation, on obtient :
Albâtre - gypse finement cristallisé et translucide - CaSO4,2H2O.

Un point étonnant, non expliqué, qui doit nécessiter quelques conditions particulières : le volume de l'anhydrite se transformant en albâtre semble ne pas être modifié ! Les ouvrages spécialisés le prétendent, avec une certaine réserve, sans avancer d'hypothèse sur ce phénomène :
        - Malgré la gypsification, la structure originelle de l'anhydrite est souvent conservée (I. Cojean Sédimentologie).
        - Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, la transformation donne rarement lieu à une augmentation de volume visible dans les dépôts, et les structures originelles de l'anhydrite sont généralement préservées. (J.M. Rouchy, Les évaporites).

L'albâtre serait donc de l'anhydrite réhydratée dans des conditions particulières, ceci sans l'augmentation de volume qui se produit quand il y a retransformation en gypse ...(à suivre...)


Pour ceux qui veulent en savoir plus :
  - Thèse Baron, 1981, Le Trias et le Lias inférieur de la bordure occidentale du Massif du Pelvoux ( Alpes occidentales) : stratigraphie et tectonique synsédimentaire.

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