Au fond du lac du Beaumont, sentier RTM de Pellafol
L'avant dernière glaciation dite du « Riss » qui s'est terminée il y a environ 120 000 ans a été
particulièrement sévère, le plateau matheysin était recouvert d'environ 500 m de glaces provenant
de différents glaciers qui se rejoignaient : du glacier de l'Isère par la vallée de la Gresse et du Drac ; du glacier de
la Romanche par le seuil de Laffrey, par les vallées de la Morte et d'Ornon ; du glacier du Drac
; du glacier de la Bonne.
Le paysage actuel est celui laissé par la dernière glaciation dite
du «Würm» de 80 000 à 20 000 ans avec un maximum «Würm II» vers 45 000 ans.
Beaucoup moins importante que la précédente, les différents glaciers ne se rejoignaient pas :
- Le glacier de la Romanche arrivait par le seuil de Laffrey jusqu'aux Bruneaux à côté de Pierre-Châtel ;
sa diffluence par le col de La Morte dépassait tout juste le seuil du Couvent ; il s'arrêtait en dessous de
Monestier de Clermont dans la vallée de la Gresse et à Sinard dans la vallée du Drac.
- Le glacier de la Bonne recouvrait La Mure, il était limité par ses moraines latérales :
colline des Mas
et
colline de Payon
qu'il débordait jusqu'à Pontcharra ;
sa moraine frontale, colline de Péchot, et venait buter sur Bois Ribau
(au niveau du Pont de Ponsonnas).
- Le glacier de la Durance transfluait par le seuil du Col Bayard dans celui du Drac qui n'atteignait
pas la Matheysine, il s'arrêtait en dessous de Saint-Bonnet et le glacier de la Séveraise n'arrivait
qu'au débouché de la vallée.
Entre ces différents glaciers, on avait un sol que l'on trouve actuellement dans les zones froides
à savoir un sol gelé en profondeur en permanence (pergélisol ) surmonté sur quelques décimètres par
un sol qui dégèle l'été (mollisol).
carte agrandissable
En noir les lacs actuels, naturels comme ceux de Laffrey,
artificiels dans la vallée du Drac
Comme le montre la carte ci-contre les moraines de ces différents glaciers formaient de véritables barrages naturels,
des lacs alimentés par les eaux de fonte se sont donc formés entre ces moraines :
- Le Lac de la Matheysine entre le glacier de l'Isère et celui de la Bonne sur le plateau :
toute la zone dite « Les marais ».
- Le Lac du Beaumont, à une altitude max de 870 m.au dessus de la moraine terminale du glacier de
la Bonne. Il remontait en amont de Corps.
- Le Lac du Trièves, au-dessus de son barrage de glace de Sinard jusqu'à une hauteur max de 750 m
(hauteur de la route qui longe le lac actuel entre Mayres et Marcieu).
- plus de petits lacs de moindre importance tel que le lac de la Roizonne dont on voit des traces au
niveau d'Oris en Rattier.
Il ne faut pas voir ces lacs comme ceux d'aujourd'hui : leur barrage de glace s'est édifié
progressivement, les eaux qui les alimentaient étaient chargées d'alluvions et les glaciers
apportaient aussi des matériaux, ces cuvettes se comblaient au fur et à mesure.
On a une belle coupe de ces remplissages en empruntant le « sentier de découverte des ruines
géologiques » du vieux Pellafol aménagé par le RTM dans les parties éboulées de la terrasse. On descend
au fond de ce lac glaciaire et l'on peut voir les alternances de dépôts qui ont comblé le lac.
En particulier se sont déposées dans le lac du Trièves de grandes épaisseurs d'argiles dites argiles
litées, on en retrouve actuellement jusqu'à 150 m d'épaisseur
par endroits et elles ont causé et continuent à causer des problèmes.
Ensuite les glaciers ont reculé, de façon non régulière, avec des périodes de fonte, de stagnation, de réavancée.
De nombreux petits lacs temporaires ont été créés dont on devine la trace aujourd'hui dans le paysage.
Après une courte période interglaciaire, une nouvelle avancée dite Würm III beaucoup plus faible que la précédente
Arrive ensuite le réchauffement de la période interglaciaire actuelle, les glaciers reculent,
les cours d'eau se retracent un lit différent du précédent (on a identifié dans les environs de Monteynard
3 anciens lits du Drac).
Les stagnations du glacier de la Romanche au cours de son retrait nous laissent les lacs de Laffrey :
lac de Pierre-Châtel (930 m), le lac de Petichet (923 m), le lac de Laffrey le moins haut à 908 m.
Le lac mort qui a été agrandi par les travaux de construction de la conduite forcée. Les lacs sont
pratiquement tels que le glacier les a laissés, ils ne se sont pas comblés puisque aucun cours d'eau
ne les traverse, ils sont alimentés par des sources.
Pour ce qui est positif :
- La beauté et la variété des paysages, les glaciers ont créé les vallées, sculpté les massifs,
laissé des lacs.
- Les glaciers ont apporté à domicile des roches de toutes tailles que les premiers habitants ont dû trouver en
quantité et qu'ils ont ramassées et débitées pour les utiliser dans les constructions et aussi pour libérer
des surfaces cultivables, travail qui s'est poursuivi au cours des générations suivantes. On trouve toujours
de ces blocs le long des chemins vicinaux ou en pierriers en bordure des propriétés .
- Après la fusion de la langue glaciaire muroise, dans la dépression centrale libérée s'établit un lac, qui
se combla d'argiles convenant pour la fabrication de tuiles (Tuilerie) et de sables (Roizon), jusqu'à un niveau
élevé (882 m à Siévoz), des carrières
de sable et de graviers sont encore exploitées de nos jours et la dernière tuilerie a fonctionné jusqu'aux
années 1960.
Il y a aussi des conséquences négatives dues à l'instabilité des dépôts, le Drac, la Bonne, la Roizonne ont
creusé leur lit et les rives n'ont cessé et continuent de glisser, ce glissement étant favorisé dans
les couches
argileuses. Quelques exemples :
- Une largeur de 274 m de la plaine de Pellafol a disparu de 1836 à 1888, et une accélération entre 1884 et 1888
avec une avancée de 74 m et un formidable effondrement en 1889 avec la disparition de l'église, du cimetière
et une partie du village de Pellafol-le-Vieux.
- « Cognet est sujet à des glissements de terrains très importants. Au commencement de notre siècle,
avant d'arriver au village, une énorme quantité de terrain disparut dans le torrent entraînant vignes,
arbres fruitiers, champs, etc. Ce glissement fut tellement important que le Drac fut barré pendant
plusieurs jours... » P. Berthier, Le plateau matheysin.
- Le glissement de Monestier du Percy le 9 avril 1978 sur une largeur de 300 à 350 m qui n'était
qu'une réactivation de mouvements précédents. Après les importants travaux de drainage les vitesses
moyennes annuelles de déplacement dans le secteur glissé en 1978 varient entre 3,5 et 6 cm/an.
- Celui de l'Harmalière, 7 mars 1981 et ses diverses réactivations jusqu'à aujourd'hui et les risques
encourus sur le même secteur par le hameau du Mas de la commune d'Avignonet (dont les 2/3 de la surface
sont concernés).
- Celui de la combe des Parajons à la Salle en Beaumont le 9 janvier 1994 emportant une surface de
7 hectares sur une épaisseur de 10 m.
- L'épaisseur des argiles pose aussi des problèmes pour la construction de l'éventuelle autoroute
Grenoble-Sisteron par Gap pour la réalisation du pont de la traversée de l'Ebron.
Pour ceux qui veulent en savoir plus :
Des détails complémentaires sur
Payon,
Péchot,
Les Mas,
Le Besset,
Les Garguettes, et
Les Demoiselles coiffées de Roizonne.
La page Le bassin du Drac au Quaternaire de Géol-Alp.
Deux sites internet à recommander, bien documentés, bien illustrés et à la pointe des connaissances :
- www.geoglaciaire.net de Claude Beaudevin
- www.glaciers-climat.com de Sylvain Coutterand, voir la carte des
trajets des différents glaciers. Il attribue la remontée des vallées de la Gresse et des Mottes au glacier de la Romanche
et non au glacier de l'Isère comme le pensait Guy Montjuvent.
Pour les risques dûs aux effondrements, le site du RTM : www.irma-grenoble.com
la thèse de Guy Montjuvent : Le Drac, morphologie, stratigraphie et chronologie
quaternaires d'un bassin alpin.