Au sein des différents conseils municipaux, Chion-Ducollet a probablement été un maire heureux, en effet
l'opposition en a été pratiquement absente. A la première élection en 86, même celui que l'on présente comme son
principal opposant, le docteur Tagnard est dans son équipe (il quittera le conseil rapidement). En 1892, pour les élections
les plus difficiles qu'a connues
Chion-Ducollet, les cinq opposants boudaient dans leur coin et ne sont plus revenus l'année suivante après la réélection
du Maire.
Chion-Ducollet est le chef reconnu et admiré. Les conseillers semblent étonnés par ce maire entreprenant, doué d'une énergie
peu ordinaire et qui a toujours
une solution très motivée à proposer qu'ils ne peuvent qu'approuver au moment du vote. La principale raison de renouvellement
du conseil est les décès. Pendant les 25 ans trois personnes seulement ont occupé les 2 postes d'adjoint.
Nous donnons ci-dessous quelques exemples de ces relations maire-conseillers municipaux dans des circonstances particulières
mais on peut retrouver cette déférence et ces congratulations réciproques tout au long des conseils surtout ceux où
l'on votait les budgets.
Il est bon de rappeler ici que les résultats obtenus en si peu de temps sont dus exclusivement à l'union
remarquable des membres du Conseil municipal, union qu'aucun évènement n'a pu troubler et qui subsiste entière au jour
du rendement des comptes comme au jour de l'acceptation du pouvoir.
Ce fait est encore plus remarquable que les actes accomplis, car depuis la constitution des communes en France, c'est la
première fois aussi que l'on a pu constater cette unité de vues, cet accord vraiment fraternel des membres
du Conseil municipal de la ville de La Mure.
"L'union fait la force" dit un proverbe, et nous soutenons que la division, les disputes, les rivalités, aidées
par la mauvaise foi, l'ignorance et la paresse, sont les vices qui ruinent les nations, les villes et même
les plus petites communes.
Chaque année après le vote du budget, c'est le même cérémonial, un adjoint prend la parole pour remercier chaleureusement
le Maire qui a son tour remerciera les membres du conseil. Nous donnons en exemple l'année 1893.
M. Besson Emile demande et obtient la parole. Il s'exprime dans les termes suivants :
Mes chers collègues,
La préparation de ces budgets est le résultat de longs travaux, d'observations patientes et délicates.
Notre situation financière est excellente et ne nous laisse aucune préoccupation, si ce n'est celle de marcher
au progrès toujours, sans nous arrêter.
Je crois être ici l'interprète de chacun de nous en adressant nos plus sincères félicitations et remerciements
à notre Maire, M Chion-Ducollet, qui consacre avec dévouement, sans précédent dans nos fastes municipaux,
depuis sept années révolues, son savoir et son temps, sacrifie sans compter ses intérêts privés et sa santé,
à l'administration de nos affaires communales et spécialement à la gestion des deniers des contribuables.
Comme tous les hommes qui se sont dévoués pour faire le bien, en donnant généreusement à la chose publique
la meilleure partie de leur existence et leur patrimoine, M. Chion-Ducollet, notre Maire a eu à supporter
les calomnies les plus injustes, les injures même des envieux et des incapables qui l'ont accablé des
méchancetés les plus révoltantes. Et il nous est donné de constater que cet Administrateur, doué d'un
caractère exceptionnel, ne s'est pas laissé abattre durant une minute, que son activité est restée ce qu'elle
était en 1886, et que sa sollicitude ne fait qu'augmenter pour tout ce qui touche aux intérêts de notre ville.
Aussi, pouvons-nous lui donner l'assurance qu'il a été compris de la majorité des habitants, de tous ceux
qui s'intéressent sincèrement à la ville de La Mure et surtout du Conseil Municipal qui mieux que personne
peut juger son oeuvre.
Je termine, mes chers collègues, en exprimant à M. Chion-Ducollet, notre Maire, les voeux du Conseil
Municipal, pour sa santé, car avec ce bien précieux, il sera pour longtemps avec nous et sa sollicitude
pour l'Administration communale ne faiblira pas, nous en avons tous l'intime conviction.
M. le Maire prend la parole
Il remercie M. Besson et tous ses collègues présents, des sentiments de gratitude et des félicitations
qui viennent d'être exprimés en d'aussi bons termes et publiquement. En retour, il donne l'assurance au Conseil
qu'il continuera, comme par le passé, à consacrer son temps et tout son dévouement aux affaires communales.
Il se trouve largement récompensé par la reconnaissance de ses Collègues de l'Assemblée municipale et par la
fidélité de ses électeurs. Tous les hommes publics et de dévouement n'ont pas eu et n'auront pas cette bonne
fortune. Mais, il est juste aussi, d'ajouter, que partout ailleurs ne se rencontrent pas comme à La Mure, une
majorité d'électeurs empreinte de sentiments de Justice et de reconnaissance, à l'égard de l'Elu qui a
accepté un dur mandat et le remplit sans défaillance avec fidélité et désintéressement, mais non toutefois, sans
de multiples désagréments.
Le 4 août 1897 le Président de la République, Félix Faure, remet à Chion-Ducollet sur le perron de l'hôtel de ville
de Grenoble, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur. Le lendemain le ministre de l'Instruction publique est reçu
à la Mure dans une grande fête populaire.
Le 29 août le conseil municipal organise un grand banquet aux Capucins pour fêter la décoration du maire. Les conseillers y
sont pour quelque chose dans cette décoration qu'ils ont réclamée à deux reprises. Ils lui font présent d'une croix de Chevalier
de la Légion d'honneur ornée de brillants et achetée avec le produit d'une souscription populaire.
Jules Roux, adjoint, donne lecture des "Titres et services de M. Chion-Ducollet Maire de la Mure" une énumération
très élogieuse en 16 points ! Voir le compte rendu fait à la date du
17 octobre dans le registre du conseil.
"Après l'acceptation et l'approbation par le Conseil du traité dont il vient d'être question, M. Béthoux Jules,
membre de l'assemblée demande et obtient la parole.
En quelques mots, il propose à ses Collègues d'adresser à M. le Maire un vote de félicitations et de remerciements pour
l'excellent résultat qu'il a obtenu dans cette affaire.
A l'unanimité des voix, les membres présents à cette séance adoptent la proposition de M. Bethoux Jules. Ils félicitent
chaleureusement M. le Maire de l'heureuse issue des négociations qui ont eu lieu avec l'Evêché, et le remercient vivement
de toute la peine qu'il a prise à ce sujet pour sauvegarder les intérêts de la Commune et donner satisfaction aux
sentiments de la population muroise."
M. le Maire expose à l'assemblée qu'à trois reprises différentes, le Conseil municipal lui a offert
des objets d'art, avec dédicaces, en souvenir de son administration, dèjà ancienne, puisqu'elle remonte à 18 ans
bientôt, sous le régime électif.
Le succès inespéré de la découverte, du captage et de l'adduction d'abondantes eaux potables
dans la ville lui a suggéré l'idée d'offrir à son tour au Conseil municipal un souvenir durable de la collaboration
dévouée aux travaux considérables qui viennent d'être exécutés et achevés avec tant de succès en 1903, pour commémorer
en même temps l'ouvre municipale la plus considérable qui ait jamais été espérée, ni même entrevue dans les siècles
passés et qui n'aura que difficilement son pendant dans les siècles à venir.
Il offre donc à la ville et pour elle, au Conseil municipal, un tableau, en marbre noir, ayant les mêmes dimensions
que celui voté aux Bienfaiteurs de la ville, pour être placé dans l'Hôtel de Ville à l'endroit que désignera
le Conseil. Il soumet à l'Assemblée la maquette, grandeur naturelle, de ce tableau dessiné par des artistes
grenoblois, et dont voici la forme et le texte. On peut voir cette plaque dans le hall du deuxième étage de
l'hôtel de ville en face ce celle des bienfaiteurs de la Mure qui ne comporte que deux noms !
Au conseil du 3 septembre 1906, le deuxième adjoint, Jules Roux évoque l'attentat dont à été victime le Maire. Il en refait le récit, condamne violemment "le misérable coupable d'un attentat aussi lâche" et conclut en s'adressant directement au maire.:
Monsieur le Maire,
Les membres du Conseil Municipal encore tout émus de cet attentat tiennent à vous exprimer leurs vives condoléances et à vous renouveler leurs sentiments de profonde sympathie.
Ils ne sauraient trop flétrir de tels actes qui dénotent l'absence de toute humanité et constituent chez leurs auteurs un retour à la barbarie.
Le Conseil Municipal et la population muroise espèrent que la justice mettra tout en ouvre pour découvrir l'auteur ou les auteurs de ce crime monstrueux afin de les mettre à tout jamais dans l'impossibilité de renouveler dans notre cité et ailleurs leurs criminelles tentatives.
Cher Maire,
Que votre santé ne soit nullement ébranlée par cette ignominie et que votre courage soit encore plus fort que la lâcheté de vos ennemis.