Chion-Ducollet et
   La Mure - 1880 à 1914
- Introduction
- Débuts en politique
- La conquête du pouvoir
- Maire de 1886 à 1912
- 25 ans de construction
- Les finances
- Mine et Municipalité
- CD et Dr Tagnard
- Maire et Curé
- CD et le Père Eymard
- Maire et Conseil
- Voyages à Paris
- Les procès
- Les autres mandats
- Fêtes
- Villa
- Après la défaite de 1912
- Conclusion
Annexes
- Déroulement de l'étude
- Idées reçues
- Industries en 1840
- Chansons et poèmes
- La Mure en 1900
- Armoiries de La Mure

Maire pendant 25 ans
sans opposition au conseil


Chion-Ducollet en 1889 (41 ans)
collection J. Garnier

En décembre 1886 la liste que présente Chion-Ducollet est parfaitement élaborée, pour éviter tout ego l'ordre est défini par le rang dans la hiérarchie politique, la première place revient au député de la circonscription Louis Guillot qui a probablement été à l'origine du ralliement du docteur Tagnard. Tous les deux sont camarades d'école et ils se sont retrouvés à l'école de médecine de la marine avant que Louis Guillot choisisse une autre voie.
En deuxième position vient le nouveau conseiller d'arrondissement et ancien maire Eugène Robequain et en troisième le docteur Tagnard du fait de sa fonction d'ancien maire, Chion-Ducollet seulement ancien adjoint est à la quatrième place, suivent les anciens conseillers puis les nouveaux candidats. A noter que les 10 conseillers minoritaires de la mandature précédente font partie de la liste.
Une petite modification dans l'intitulé de la liste, ce n'est pas le parti républicain progressiste mais le comité républicain progressiste pour élargir à ceux qui ne sont pas du parti comme le docteur Tagnard. Mais celui-ci n'a pas dû apprécier le réquisitoire dans la profession de foi sur les anciens maires :

Prendre des mesures radicales pour employer le produit des impôts dans la Commune, au lieu de l'abandonner au profit des départements voisins et des localités de la région, qui depuis plus de 60 ans, ont abusé de la générosité ou de l'incurie des Municipalités qui se sont succédées à La Mure.

La droite, totalement dépassée, ne présente pas de candidats. Les deux tiers des électeurs se déplacent pour plébisciter cette nouvelle équipe.
Au premier conseil où seul le député est absent, le 18 décembre, les votes pour le maire et les adjoints, en scénario bien rodé, sont rapides et votés à l'unanimité moins la voix des promus. Chion-Ducollet met immédiatement en place son programme. Le député va lui être d'une aide précieuse pour faire avancer les projets dans les ministères.
En décembre 1887, le décès du conseiller général nécessite de nouvelles élections. Le docteur Tagnard et Chion-Ducollet sont tous les deux candidats. Le docteur Tagnard rejoint ses anciens alliés dans l'opposition et gagne les élections cantonales, il ne participera plus aux conseils municipaux. Il ne se gênera pas de critiquer toutes les mesures qu'il a pourtant approuvées comme la construction d'un nouveau collège.
C'est le point de départ de la lutte des Chionards et des Ficelards.

On revote normalement en 1888, le premier mandat n'a duré que 16 mois mais il a été riche en réalisations et en projets si bien que la liste de Chion-Ducollet est plébiscitée par plus de 600 voix sur 657 votants.
L'opposition n'a pas présenté de liste, 10 opposants recueillent très peu de suffrages, 6 à 36 voix. Parmi ceux-ci les notables adversaires du maire : les trois médecins (dont le docteur Tagnard), le vétérinaire, un pharmacien, le notaire Victor Arnaud, auteur de poèmes peu confraternels envers son collègue.
Chion-Ducollet écrit l'année suivante :

Depuis cette époque, décembre 1887, il s'est formé, à La Mure, un embryon de parti, réunissant tous les mécontents présents et à venir, grands meneurs de tapages, grands faiseurs de boucan dans les réunions publiques, parti qui s'est mis à la remorque de M. Tagnard et qui a trouvé le moyen d'orienter sur lui sa Boussole politique.
Ce parti, que M. Tagnard couvre de sa haute protection comprend,- je ne crains pas de le répéter, - des hommes qui professaient naguère encore les opinions les plus diverses.[...] On pouvait alors voir ce qu'on voit aujourd'hui : royalistes blancs, orléanistes, bonapartistes, cléricaux enragés et républicains faux-nez, se donnant le baiser Lamourette et votant pour M. Tagnard, partisan in-extremis de la séparation des Eglises de l'Etat.
Tudieu ! Quelle soupe à la julienne ! Quel méli-mélo.
[...] Aux dernières élections municipales, M. Tagnard n'a pas osé constituer de liste, sachant très bien qu'il s'exposait à un échec piteux. D'aucuns disent même qu'il caressait l'espoir sans être candidat, de voir son nom sortir triomphant de l'urne. Il a pu mesurer, à ce sujet, la profondeur de sa déception ; car, tandis que la liste municipale était élue par 627 voix, M. Tagnard n'obtenait qu'une trentaine de suffrages, nombre légèrement supérieur à celui des aboyeurs et absinthiers qui, dans certain établissement, crient sans cesse, au milieu de la fumée des pipes et des cigarettes : Tyrannie! Sus à César !

Les élections de 1892 vont être très difficiles pour Chion-Ducollet. Un énorme travail a été réalisé pendant le dernier mandat mais il a été pollué par ses démêlés avec le curé Morel et cette « affaire des robes blanches » a profondément divisé la population et remotivé l'opposition qui présente une liste complète.
La campagne électorale est très dure, le docteur Tagnard présente une liste complète, sa profession de foi est très violente :

La ville et le canton de La Mure sont malheureusement depuis peu d'années la proie de dissensions suscitées par une individualité étrangère, aux précédents suspects, qui par des agissements ou le mensonge, les insinuations perfides et les violences de toute nature occupe le premier rang, a jeté un trouble profond dans toutes les classes de la société.

Aussi aux élections du 1er mai les électeurs sont presque tous présents, la participation est beaucoup plus forte qu'aux élections précédentes. Les opinions sont à égalité si bien que les candidats récoltent entre 452 et 416 suffrages avec un léger avantage pour la liste Tagnard qui remporte les cinq premiers siège, Chion-Ducollet arrive sixième avec juste la majorité. Un deuxième tour est nécessaire.
Le 8 mai, encore quelques électeurs supplémentaire et un résultat serré, mais cette fois avec un petit avantage à la liste Chion-Ducollet, tous ses candidats sont en tête avec 459 à 436 suffrages et les opposants à la suite avec 434 à 416 suffrages. Que s'est-il passé dans la semaine pour que la situation s'inverse ?
Le 15 mai, au premier conseil, Chion-Ducollet est élu maire avec 15 voix sur 20 mais la séance est agitée dans le public, la force publique doit exclure un perturbateur particulièrement virulent et à la séance suivante les règles de fonctionnement du conseil seront rappelées. Chion-Ducollet se trouve doté d'une opposition de 5 membres, c'est une première qui ne se renouvellera pas. Ce petit groupe se manifeste en quittant les conseils sans signer le livre de délibération, ce qui est consigné sur chaque compte-rendu. Il sera relativement discret et votera en général comme la majorité, en demandant parfois un petit rajout, dans les explications de vote, qui ne change pas grand-chose à l'esprit de la décision.
Une nouvelle difficulté pour Chion-Ducollet, son élection est invalidée, il avait été élu à la voix près mais une irrégularité (voir bas de page) qu'il avait signalée au moment du vote enlève une voix à chaque candidat élu au premier tour, il faut qu'il repasse devant les électeurs, il gagne l'élection le 16 juillet et est réélu maire le 23 juillet par 15 voix sur 16 car ses 5 opposants sont absents et le resteront jusqu'au bout du mandat. Il a de nouveau un conseil réduit mais totalement acquis.
Cette dernière élection est contestée, M. Ros voit sa requête rejetée le 28 février 1894.

En 1896, il n'y a pas de liste d'opposition. Chion-Ducollet publie un arrêté temporaire, écrit de sa main en 6 articles. Il précise toute une liste d'interdictions : rassemblement de groupes, stationnement dans la salle et les couloirs, entrée aux non-votants, port d'armes quelconques (bâton ou cannes sauf pour estropiés et vieillards)... Il publie un ordre de service aux agents municipaux chargés d'assurer le maintien du bon ordre.
Il n'est pas signalé d'incidents, 300 électeurs s'abstiennent, toute la liste est élue au premier tour avec plus de 500 voix sur 541 votants. Encore un mandat avec les mains libres.

Même situation en 1900, pas d'opposition.

En 1904, c'est une élection ubuesque. La municipalité sortante présente sa "Liste du Comité républicain radical", il n'y a pas de campagne électorale, la veille de l'élection les opposants publient deux listes complètes : une du "Comité de l'union républicaine" l'autre "Républicaine Radical-Socialiste" mais on retrouve 8 candidats communs aux deux listes ! Reynier Henri, vétérinaire, est en tête des deux côtés, le docteur Tagnard est en 2 et en 5... et l'on apprendra plus tard que certains sont présentés sans leur accord !
Le docteur Tagnard fait publier une lettre de protestation dans le Le petit Dauphinois le jour de l'élection et Henri Reynier le lendemain ; 10 "candidats" ont protesté par publication "à son de caisse" sur l'utilisation de leur nom sans leur accord, certains dès le jour du vote !
La participation est bonne, toute la liste de la majorité sortante est élue au premier tour (de 460 à 514 voix sur 752).
Une belle occasion pour Chion-Ducollet de se moquer de ses opposants :

Le résultat a simplement provoqué des explosions de rire dans tous les coins de rues et dans les cafés. En sorte que les candidats malheureux sont tombés sous le ridicule.

En 1908, de nouvelles élections calmes avec une seule liste qui est élue au premier tour avec 400 à 470 voix sur 552 votants. Chion-Ducollet est réélu maire en son absence, il est malade et ne participe pas au conseil depuis le mois de janvier ; il ne reviendra qu'en septembre 1909 mais c'est lui qui reste aux affaires de sa villa, les comptes rendus de conseil portent sa marque.

En 1912, c'est la fin de l'histoire, l'élection de trop. Chion-Ducollet a été malade, il ne s'est pas représenté à la députation en 1910.
La situation politique a beaucoup évolué, des partis politiques sont apparus à gauche : les groupes socialistes se sont fédérés en 1905 en fondant la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) et se sont bien organisés depuis, leur but pour ces élections est de faire rentrer quelques membres dans les conseils pour préparer une emprise plus importante. Pour ce faire, à la Mure, ils n'hésiterons pas à faire alliance avec les ennemis de toujours de Chion-Ducollet, qui sont en même temps leurs adversaires politiques. Une liste, assez incroyable, s'oppose au maire, elle est composée de 7 libéraux, 7 radicaux-socialistes, 7 socialistes. Avec un mot d'ordre qui sera suivi : votez pour la liste complète, laissez vos opinions politiques hors de l'isoloir, la chute du "tyran" l'exige.
Pendant la campagne électorale, le quotidien de la SFIO "le Droit du Peuple" se déchaîne : 7 articles en avril, anonymes ou signés XAM, Hans, un spectateur, Jean de la Mine..., de très bas niveau mais qui laissent deviner les raisons d'une véritable "haine" envers l'outrecuidant maire, notable riche, ayant construit

sa villa-château-fort à la Louis XI qu'il a reliée, pour plus de sûreté avec la caserne de gendarmerie, qui s'est fait faire une statue très ressemblante qu'il loge dans son salon et qu'il donnera aux Murois après sa mort.

Un maire qui ne croit pas au collectivisme et qui le combat...
Chion-Ducollet est battu au premier tour, mais de façon très honorable, sa liste obtient entre 367 et 405 voix contre 405 à 534 pour la liste de la coalition menée par Louis Second qui a été pendant bien longtemps "le futur maire".

En conclusion, si l'opposition dans la cité a été bruyante et parfois violente, bien orchestrée par certains notables elle n'a pas présenté de liste à 5 reprises aux élections municipales. Chion-Ducollet a eu la confiance des électeurs qui lui ont donné les mains libres à l'intérieur de la municipalité avec un conseil fidèle, admiratif des capacités de travail et de décision de son maire. Il faut donc pondérer sérieusement les légendes d'une ville coupée en deux.



Elections de 1886, un jeune frère des écoles chrétiennes vote avec la carte d'un habitant ayant quitté La Mure,
son supérieur le frère directeur de l'école certifie sa fausse identité avant d'avouer la tricherie.



Elections de 1892, "un incident s'est produit à l'ouverture du scrutin M. le président a été victime de voies de fait sur sa personne,
par M. Second Louis. La force armée est intervenue et le bon ordre a été rétabli à 8h45.
Le sieur Michon Victor privé de ses droits civiques a voté. Les protestations du Président et la Gendarmerie sur réquisition a constaté le fait.


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