Chion-Ducollet et
   La Mure - 1880 à 1914
- Introduction
- Débuts en politique
- La conquête du pouvoir
- Maire de 1886 à 1912
- 25 ans de construction
- Les finances
- Mine et Municipalité
- CD et Dr Tagnard
- Maire et Curé
- CD et le Père Eymard
- Maire et Conseil
- Voyages à Paris
- Les procès
- Les autres mandats
- Fêtes
- Villa
- Après la défaite de 1912
- Conclusion
Annexes
- Déroulement de l'étude
- Idées reçues
- Industries en 1840
- Chansons et poèmes
- La Mure en 1900
- Armoiries de La Mure


L'organisation des finances
pour réaliser un programme ambitieux


Chion-Ducollet va mettre en place une organisation afin de faire rentrer au mieux l'argent dans les caisses, de supprimer "les coulages". Mais plus que ses idées c'est sa capacité à en faire respecter les règles, sa puissance de travail (il surveille tout) qui lui permettront de mener à bien ses projets. "L'empereur de la Matheysine" est autoritaire, entier, incorruptible, dur en affaires, tenace quand il pense être dans son droit même avec l'administration, intransigeant avec ceux qui veulent tirer un profit personnel des deniers publics. Ceci lui vaut beaucoup d'inimitiés et des procès subis ou intentés par la ville. Mais il est aidé par l'absence d'opposition au sein de la municipalité, par un conseil admiratif, aux ordres et qui sera à côté de lui dans toutes les circonstances.
Sa bonne formation en droit et son métier de notaire seront aussi des atouts majeurs.
Contrairement aux idées reçues, les mines ne rapporteront pas le moindre sou aux municipalités Chion-Ducollet comme nous le montrons dans la page suivante.

Il faut noter la parfaite stabilité monétaire pendant les mandats de Chion-Ducollet.
De 1720 (banqueroute de Law) jusqu'à la Révolution, une livre tournois correspond à environ 0,30 gramme d'or. En 1803, le franc germinal reprend exactement le même poids. Les Français paient en pièces d'or et d'argent et les billets de la Banque de France sont échangeables en or sur simple demande. La rente est un placement courant puisque l'on avait chaque année les intérêts tout en gardant le même capital.
Depuis la guerre de 1914, la monnaie ne cesse de se dévaluer, en 1921 la rente a perdu 70%, en 1928 Poincaré enlève au franc les 4/5e de sa valeur, la guerre de 1940 continuera à alimenter l'inflation.

Les finances municipales à la fin 1886

Budget de 1911, bilan de la municipalité de 1886 à 1912 :

La caisse de la commune était vide : l'exercice 1886 se solda par un déficit de 2.525 francs 81 centimes.
Et il y avait de nombreuses dettes criardes remontant à plusieurs années. Nous ne citerons que les dépenses de la première fête du 14 juillet de 1880 qui n'avaient pas encore été réglées en 1886.
Dans notre compte rendu de 1887, nous donnions l'énumération sommaire des dettes criardes, 41 créanciers, auxquels il était dû un total de 12 890 francs. et nous terminions ce fastidieux chapitre par cette phrase :
"Ce n'était pas un Maire qu'il fallait à la Ville de La Mure, mais un Syndic de faillite". Et c'était exact, puisqu'aux dettes criardes s'élevant à 12 890,17 francs s'ajoutait le déficit de l'exercice 1886 soit un déficit total de 15 415,98 francs et pas un sou en caisse !
En remémorant des souvenirs, vieux de 25 ans, on peut se demander :"Mais qu'aurait donc fait la Municipalité du 18 décembre 1886, si elle avait exercé le pouvoir au temps où l'industrie de la clouterie était prospère, à l'époque où le commerce et l'agriculture triomphaient dans l'aisance ? "

Comptabilité communale

La comptabilité des dépenses communales, a été organisée conformément à la loi et aux instructions ministérielles :
- Suppression rigoureuse des mandats fictifs, de pratique courante autrefois.
- Interdiction absolue d'imiter la signature du Maire pour l'ordonnancement des dépenses et pour toutes autres pièces en général.
- Sincérité des Budgets et des Comptes administratifs.
- Economies dans les dépenses. Pour y parvenir, aucune commande ne doit être faite par les employés de la Mairie sans signature du Maire.
- Contrôle de toutes les factures, de tous les mémoires des fournisseurs par le Maire lui-même, après les vérifications du Directeur de la Voirie, du Secrétaire en chef et du Receveur municipal.

Les mises en régies municipales

Au cours des 25 ans vont être créées treize régies municipales, toutes les branches de revenus communaux sont gérées par la municipalité et sont contrôlées par le maire, lui-même, obsédé par les "coulages" qu'il a probablement observés lors des quelques mois passés comme deuxième adjoint.

L'octroi

L'octroi est une taxe ancienne qui était perçue à l'entrée d'une ville sur certaines denrées. Taxe évidemment impopulaire que la révolution a supprimée, mais rapidement remise par le Directoire car elle constituait la principale ressource des communes. Il a été supprimé en 1948.
A La Mure, l'octroi a été institué en 1800 par le maire Pierre-Noé Genevois pour fournir des fonds à la commune. Ce nouvel impôt remplace le treizain, un droit équivalent au treizième du prix, applicable à la vente des biens et des denrées.
En 1886 la perception de cet impôt était en régie avec une gestion pas très rigoureuse et de nombreux "coulages". Chion-Ducollet, dès son arrivée, en fait une régie municipale avec une gestion très stricte :

Le bureau et les archives sont installés à l'Hôtel de Ville. Le receveur ne déplace ni registre, ni ampliations en blanc, il est présent à son bureau toute la journée, et s'il s'absente, il est remplacé par un préposé titulaire auxiliaire qui reçoit les déclarations, encaisse les fonds et signe les quittances.
Le Maire vérifie, contrôle la comptabilité au moins une fois par mois. Il a, de par la loi, la haute direction de l'Octroi. C'est une mission très lourde ! très délicate pour un magistrat élu.
Les résultats de cette direction et des réformes accomplies ne se sont pas fait attendre longtemps. Les fraudeurs de tout acabit n'ont pas été et ne sont pas contents, cela se conçoit.

Chion-Ducollet va surveiller méticuleusement cette source de financement, et ce durant tous ses mandats, on peut lire, à la date du 11 janvier 1908 : "le conseil a le devoir de répéter que la plus-value des droits d'octroi et les diverses régies communales est due exceptionnellement et exclusivement à la direction et à la surveillance personnelle de M. Chion-Ducollet, Maire, qui remplit en fait les fonctions de préposé en chef..."

En 1897 la loi sur l'octroi est modifiée, le vin et la bière deviennent des "boissons hygiéniques", la taxe sur les vins passe de 2 francs l'hecto à 0,55 et celle de la bière de 10 à 5 francs. Devant cette diminution des recettes, Chion-Ducollet se lance dans une ferme et longue contestation, il n'obtiendra qu'une petite compensation, une surtaxe de 60 francs sur l'alcool pur et des taxes sur les vélocipèdes, les pianos et les harmoniums, les chevaux, les voitures et les licences municipales.
Malgré la baisse des droits, la recette en 1909 et 1910 est de l'ordre de 40 000 francs alors qu'elle était en en 1886 de 25 000 francs

Les tricheries vont donner lieu à de nombreux procès-verbaux dont certains déboucheront sur des procès.

Les concessions d'eau

Le règlement-tarif des abonnements aux eaux de la ville est voté le 22 février 1903. Les abonnements annuels montent rapidement à 4 000 F et seront de 11 500 en 1912.

Droits de places aux halles, foires, marchés et poids publics

En 1886, cette branche de revenus qui était affermée rapportait 3 810 F, mais fin 1887 une nouvelle adjudication butait sur 2 200 F. Le maire en fit une régie au compte de la ville qui a rapporté chaque année 8 000 F en somme brute sur laquelle il faut enlever 1 500 de frais de perception (6 collecteurs).

Les abattoirs

Le directeur est là aussi le maire lui-même et l'inspecteur est Henri Isidore Reynier, le seul vétérinaire murois, un fervent opposant politique qui a fait partie des 5 élus en 1892.
La taxe d'abattage est de 0,01 à 0,02 F/Kg (ce qui complique la comptabilité mais c'est la loi qui n'autorise pas une taxe à la bête). Pour donner une idée de l'activité en 1910 on a abattu 214 boeufs/vaches, 918 veaux, 2 894 moutons, 409 chèvres et 951 porcs.
La recette annuelle est d'environ 3 000 F brut et 2 000 F net.

Cimetière

Trois régies : la concession des places, les produits spontanés et le transport des corps rapportent 4 000 francs/an

électricité

La fourniture d'électricité n'est pas municipale puisque la municipalité a encouragé la formation d'une société anonyme avec laquelle elle a signé un contrat très favorable à la Mure. De 1892 à 1911, le bonus en faveur de la Mure est chiffré à 142 330 francs en tenant compte du loyer et de la différence entre le prix de la concession et du prix réel des fournitures. (attention, pour Chion-Ducollet les bonus sont souvent un peu virtuels car c'est la différence entre ce que l'on aurait pu payer et ce que l'on a réellement payé.)

Les autres régies

Droits de voirie urbaine, taxe d'arrosage, Internat de l'école supérieure de filles, collège, loyers des bâtiments communaux, bains-douches.

Les droits de vicinalité

Un des deux thèmes avec le collège sur lequel Chion-Ducollet a fait campagne. Il estime que la part que La Mure doit payer pour les routes et chemins de la région est anormalement importante. Le docteur Tagnard est presque d'accord, mais, en tant que maire puis de conseiller général, il ne fera rien pour demander une révision, il prétexte que cette convention avait été signée par la commune et qu'il fallait assumer.
Dès 1887 Chion-Ducollet décide de ne payer que ce qu'il considère le maximum légal soit 2 715 francs par an. S'en suit une longue lutte avec l'administration. En 1890 arrivent des traites avec sommation à payer puis un arrêté préfectoral qui met en demeure de voter les crédits nécessaires sous peine d'imposition d'office. Refus catégorique de Chion-Ducollet qui argumente mots à mots les textes et tire des conclusions différentes de celles de l'agent voyer. Il déclenche un procès. L'imposition d'office n'est pas venue. Il est élu conseiller général en 1895 et poursuit la demande de révision des droits. Il obtient satisfaction en 1899.
Cet épisode traduit bien le caractère du maire, tenace quand il pense avoir raison, bon disséqueur des textes, redoutable dans l'argumentation tout en gardant une extrême référence vis à vis des organisations républicaines mais en distillant des "vacheries" mettant en doute les capacités de l'agent voyer.

Subventions et emprunts

Chion-Ducollet a été un grand chasseur de subventions, il est tenace et persuasif et sait très bien jouer au maire d'une petite ville privée de ressources, il va plaider sa cause directement dans les ministères. Le total des subventions obtenues est de 1 067 000, la moitié des dépenses.
Le total des emprunts dépasse légèrement 1 000 000 francs, à son départ presque la moitié a ete amortie sans problème, le terme "inflation" est inconnu, la valeur du franc garde strictement sa valeur. Mais à partir de la guerre de 14 ce ne sera plus le cas et ses successeurs continueront l'amortissement avec un franc qui se dévaluera rapidement.

Etude des devis et des factures

Le coût des constructions est calculé de façon précise, les cahiers des charges sont détaillés, les adjudications sont faites au meilleur rabais. Pour compenser le risque de cette méthode, Chion-Ducollet met sur le dos du prestataire un surveillant des travaux compétent et incorruptible.
Nous avons vu que les factures supérieures aux devis sont systématiquement refusées, ce qui a conduit à des procès que Chion-Ducollet gagne même si une toute petite partie du dépassement est parfois accordée par le tribunal.

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