Chion-Ducollet et
   La Mure - 1880 à 1914
- Introduction
- Débuts en politique
- La conquête du pouvoir
- Maire de 1886 à 1912
- 25 ans de construction
- Les finances
- Mine et Municipalité
- CD et Dr Tagnard
- Maire et Curé
- CD et le Père Eymard
- Maire et Conseil
- Voyages à Paris
- Les procès
- Les autres mandats
- Fêtes
- Villa
- Après la défaite de 1912
- Conclusion
Annexes
- Déroulement de l'étude
- Idées reçues
- Industries en 1840
- Chansons et poèmes
- La Mure en 1900
- Armoiries de La Mure


Les débuts en politique


Chion-Ducollet en 1883 (35 ans)
collection J. Garnier


Alfred-Antoine-Prosper Chion est né au Collet de Sinard le 23 septembre 1848. Orphelin à 7 ans, il fait de bonnes études mais doit travailler tôt.
Il est successivement clerc d'huissier, clerc d'avoué, clerc de commissaire priseur, commis principal des contributions indirectes, principal clerc de notaire. Ceci tout en étudiant le droit à la Faculté où il est lauréat d'un concours en 1878.
En 1878, il est, par un décret du Président de la République "autorisé à ajouter à son nom patronymique celui de Ducollet, et à s'appeler, à l'avenir, Chion-Ducollet".
Le 5 janvier 1881, il s'installe comme notaire à La Mure, il reprend l'ancienne étude Reynier, sa valeur professionnelle, les consultations désintéressées qu'il donne, le rendent populaire.

Nous allons voir comment cet étranger, républicain convaincu, va réveiller les Murois, prendre le pouvoir, gouverner et transformer La Mure pendant 25 ans.


En 1882, pour les premières élections du Maire par les élus, il faut organiser une partielle de 3 conseillers pour compléter le conseil. Chion-Ducollet se présente et est élu.
Le 30 avril 1882, à la première réunion où l'on élit le maire et les adjoints, il est absent. Absence diplomatique ou justifiée ? Le docteur Tagnard est élu maire, au premier tour, par 10 voix sur 19 et Chion-Ducollet, au deuxième tour, 2e adjoint avec le même score.
Le 14 mai, on vote pour la constitution des commissions, Chion-Ducollet n'appartient à aucune, la commission scolaire est présidée par le docteur Tagnard. A ce titre, celui-ci fait une intervention, le 19 mai, sur le mauvais état des établissements scolaires qu'il y aurait grand avantage au point de vue de la prospérité du collège d'édifier un monument neuf digne de cet établissement et répondant à tous les besoins. Il propose aussi de nouvelles écoles primaires. Ceci permettrait de libérer et de rénover à faible coût les bâtiments des Capucins pour y installer la troupe. Mais cela dépend du ministère de la guerre qui n'a pas été favorable jusqu'à maintenant à mettre une garnison à La Mure.
Quelles sont les relations du deuxième adjoint avec le maire à ce moment-là ? Ils sont tous les deux républicains mais à des degrés différents, ils n'ont pas les mêmes fréquentations mais Chion-Ducollet est très respectueux des autorités républicaines. Il est probable que ces relations étaient « normales » car le maire lui délègue la présidence de la commission scolaire sans que l'on sache rien des conditions de cette permutation qui n'est pas enregistrée dans le registre des délibérations. Dès le conseil suivant, le 23 mai c'est Chion-Ducollet qui parle au nom de la commission des écoles pour proposer les réparations urgentes à faire aux écoles sur les budgets 82 et 83.

Un programme scolaire très ambitieux

Le 4 juillet, Chion-Ducollet présente dans une longue intervention le plan sur les écoles

Notre commission des écoles s'est occupée du projet de construction d'un groupe scolaire, conformément à vos délibérations des 19 et 23 mai dernier.
Connaissant l'intérêt que le Conseil porte à l'enseignement de la jeunesse, et le désir plus que légitime de la population de La Mure à voir construire à bref délai des écoles, nous avons cru devoir étudier la question d'une manière aussi large et aussi complète que possible.
Pour l'étude de ce projet important, nous nous sommes adjoint Mr Bianchi, architecte à La Mure, dont la compétence vous est bien connue et qui nous a fait un rapport détaillé très intéressant à consulter.

Il précise bien qu'il est dans la ligne édictée par les réunions précédentes mais il commence par un point qui n'a pas encore été évoqué localement et qui n'a été légiféré que récemment par la chambre des Députés : la création d'un cours supérieur de filles. Il expose en cinq points, de façon très convaincue, la nécessité de créer un enseignement supérieur pour les jeunes filles.
Puis il détaille son projet école par école :
- Collège de garçons : il ne faut pas se lancer dans des réparations des locaux actuels mais construire un nouveau bâtiment dans la propriété de Mr Freynet (l'emplacement du lycée) pour une dépense de 300 000 francs.
- Ecole primaire supérieure de filles : dans le clos Guillot (là où a été construite l'église), coût de 120 000 francs.
- Ecole primaire de garçons : deux emplacements possibles, soit le surplus de clos Guillot soit reconstruire après démolition du bâtiment actuel. Coût de 105 000 francs dans le cas du clos Guillot.
- Salle d'Asile (école maternelle) : Acheter des maisons place Pérouzat et construire un bâtiment, coût 75 000 francs.
Pour le financement de cette dépense de 600 000 francs, Chion-Ducollet propose :
- Emprunt de 250 000 francs amorti par les 10 000 francs de surtaxe d'octroi votés à un conseil précédent auprès des caisses spéciales des lycées et collèges.
- Les subventions.
Après discussion il y a deux votes car on dissocie la création de l'école supérieure du reste. Il y a unanimité dans les deux votes pour adopter les propositions. Chion-Ducollet a subjugué tous les conseillers ! Nous allons voir que cette belle unanimité ne va pas durer mais elle lui permet de faire avancer les études et de travailler avec le préfet, le recteur, l'inspecteur d'académie pour faire accepter ses projets et trouver des subventions.

Le 21 novembre, Chion-Ducollet qui a été nommé à l'unanimité secrétaire de séance remotive le conseil sur son projet en faisant part des lettres très favorables de l'inspecteur d'académie et du préfet. Il annonce la possibilité de subventions au moins égales à la moitié de la dépense et de bonnes conditions de prêt pour le complément.
Quatre conseillers manifestent leurs doutes sur les évaluations de dépense.
On propose d'autres implantations pour le collège mais finalement un vote adopte le projet initial dans le clos Freynet, un conseiller vote contre et un autre à quitté le conseil avant le vote.
Pour l'école de garçons, malgré l'argumentation de Chion-Ducollet un vote décide l'implantation de l'école dans le collège après son déménagement et des travaux de réfection.
L'école de filles est adoptée avec l'achat des immeubles sur la place Perrouzat.
Quant à l'école supérieure de filles, le conseil diffère la décision "parce qu'il n'est pas suffisamment éclairé sur son fonctionnement".

On reprend la discussion dans un conseil extraordinaire le 28 novembre, l'habitude semble installée de nommer à l'unanimité Chion-Ducollet secrétaire de séance.
Lecture d'une lettre de l'inspecteur d'Académie sur le fonctionnement de l'école supérieure de jeunes filles. Le conseil décide l'implantation de cette école au premier étage de l'école de filles à construire, la création d'un deuxième étage pour le logement des professeurs, l'achat de deux maisons supplémentaires pour l'agrandissement des cours "de façon à former un rectangle entre la place Pérouzat et la rue Croix-Blanche".
Le conseil fixe l'ordre dans lequel seront effectués les travaux : le collège, l'école primaire de jeunes filles, l'installation de l'école de garçons, et en dernier lieu l'école supérieure de filles.
Mais on ne sent pas un grand enthousiasme, on fait des réserves sur la condition de l'acceptation de l'augmentation des droits d'octroi, sur le montant des subventions et l'on fait remarquer qu'il va falloir prévoir des dépenses de 100 000 francs pour l'eau, et 150 000 francs pour la mairie et les fontaines.

Six mois plus tard, sans qu'aucune action administrative n'ait été prise pour faire avancer les décisions votées, le 5 juillet 1883, dans un nouveau conseil Chion-Ducollet redemande la création immédiate d'un cours complémentaire de 2 années et de deux postes de professeurs. Le conseil "vote la création d'un cours complémentaire et autorise Monsieur le Maire à chercher un local pour cette installation, tout à fait provisoire, en attendant les constructions nouvelles".
Mr Bianchi Dominique est nommé architecte spécial de la ville à "l'effet de dresser les plans et devis des constructions à édifier".

Le 24 juillet en conseil extraordinaire dont Chion-Ducollet est une fois de plus nommé secrétaire, le Maire remet en cause l'emplacement du collège revenant sur les votes antérieurs mais il n'est suivi que par 3 conseillers, on maintient donc la décision antérieure. Il y a deux bulletins blancs dont celui de M. Combe qui réitère qu'il faut réparer et non construire.

La démission

Au conseil du 17 août on rediscute sur le cours complémentaire payant et ouvert à toutes ou gratuit avec des capacités. Il y a désaccord sur son fonctionnement. Après des discussions la séance est levée sans qu'il y ait eu vote. Chion Ducollet déclare :

Suite aux engagements verbaux qu'il a pris envers les Autorités Académiques, en s'appuyant sur les désirs du Conseil exprimés en novembre dernier et du discours qu'il a prononcé hier à la distribution des prix à l'Ecole primaire de filles. Qu'en présence de la majorité du Conseil, qui paraissent diamétralement opposées aux siennes en matière d'enseignement, il ne croit pas devoir continuer à siéger dans cette assemblée.
En conséquence il donne sa démission d'adjoint au Maire et de Conseiller Municipal...

Suite à la demande de trois conseiller qui jugent la démission non valable puisqu'il n'y a pas eu de vote, le maire dit qu'il réunira un nouveau conseil pour voter.

Ce conseil est réuni une semaine après le 24 août, 6 conseillers sont absents dont le maire et le premier adjoint ce qui est étonnant pour un conseil décisif. C'est donc Chion-Ducollet qui préside en tant que deuxième adjoint.
Il met aux vote une longue proposition où il reprend ses arguments maintes fois exposés et le mode de fonctionnement d'un cours secondaire.
      Ont voté pour : 7
      Ont voté contre : 8
      Abstention : 1

Chion-Ducollet rédige sa lettre de démission

A Monsieur le Préfet
et à Messieurs les Membres du Conseil municipal de La Mure
Messieurs
En présence des opinions de la majorité du Conseil en matière d'enseignement des jeunes filles, opinions diamétralement opposées aux miennes, et que viennent d'être confirmées par le vote d'aujourd'hui, en raison aussi du discours que j'ai prononcé le 16 courant à la distribution de prix que j'ai eu l'honneur de présider à l'Ecole primaire communale de filles, -- je ne crois pas devoir continuer à siéger dans cette assemblée.
Je suis et reste Délégué cantonal et partisan plus que convaincu de l'utilité qu'il y a de donner l'instruction supérieure et secondaire aux jeunes filles aussi bien qu'aux garçons. Je suis non moins convaincu que la régénération de notre belle France, de notre chère Patrie à tous, ne sera complète qu'avec des filles et des femmes instruites.
Je croirais manquer à mes devoirs les plus chers si je me retirais de l'administration municipale sans rendre un témoignage public de reconnaissance à Monsieur le Préfet de l'Isère, à Monsieur le Recteur, à Monsieur l'Inspecteur d'académie et aux divers chefs de service de la Préfecture pour la complaisance toujours excessive qu'ils ont toujours mise à recevoir les demandes que je leur adressais dans l'intérêt de la ville de la Mure. Je les en remercie du fond de mon coeur et me plais à leur dire que je n'oublierai jamais les attentions toutes particulières dont j'ai été l'objet de leur part.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet et Messieurs les membres du Conseil municipal, l'expression de mes sentiments les meilleurs et les plus dévoués.
Chion-Ducollet
La Mure le 24 août 1883

Cette lettre n'est pas celle d'un battu, c'est plus de l'auto-promotion d'un homme à grande hauteur de vue ayant d'influentes relations.
A-t-il cru un moment qu'il pourrait mener son programme à bien avec un conseil municipal sans cohésion mené par un maire sans vision et sans autorité ? Organiser ces grands travaux nécessite une bonne gestion financière, Chion-Ducollet a eu le temps pendant ces quelques mois d'observer le manque de rigueur et "les coulages" qu'il dénoncera à plusieurs reprises.
Ses projets, même s'ils ne pourront être réalisés que par lui, vont continuer à rester dans le débat du conseil, les plans et les devis lui permettront, le jour venu, de réaliser à grande vitesse.
Chion-Ducollet a certainement beaucoup impressionné les membres du conseil, certains ont vu en lui un maire potentiel et vont devenir des fidèles, d'autres deviendront de rudes adversaires. Il est amusant de d'observer, sur la photo des signatures après un conseil, le grand contraste imposé par le solide graphisme du deuxième adjoint.


La fin du mandat

Le 4 septembre, dans un conseil extraordinaire le maire fait une longue déclaration à propos du conseil précédent, il ne justifie pas son absence mais déclare qu'il aurait lui aussi voté contre le projet d'un collège de jeunes filles. Il justifie sa position en expliquant qu'elle est temporaire du fait des circonstances mais que plus tard...

Par la longue explication que je viens de vous donner de mon vote, je crois avoir démontré que je ne suis pas opposé à l'instruction des jeunes filles comme pourrait le laisser supposer les termes dans lesquels est conçue la démission de Mr Chion-Ducollet. Je suis absolument convaincu qu'aucun de vous n'y est plus opposé que moi et qu'en votant l'ajournement de l'essai d'un collège de filles nous n'avons fait que réserver la question pour un avenir favorable que nous désirons le plus prochain possible.

Un conseiller, qui a voté contre, propose de décider la création d'un cours primaire supérieur de 1 an en attendant des jours meilleurs.

Le 29 avril 1884 c'est le dernier conseil de cette mandature.

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