Chion-Ducollet et
   La Mure - 1880 à 1914
- Introduction
- Débuts en politique
- La conquête du pouvoir
- Maire de 1886 à 1912
- 25 ans de construction
- Les finances
- Mine et Municipalité
- CD et Dr Tagnard
- Maire et Curé
- CD et le Père Eymard
- Maire et Conseil
- Voyages à Paris
- Les procès
- Les autres mandats
- Fêtes
- Villa
- Après la défaite de 1912
- Conclusion
Annexes
- Déroulement de l'étude
- Idées reçues
- Industries en 1840
- Chansons et poèmes
- La Mure en 1900
- Armoiries de La Mure

Florilège des poèmes et des chansons
à l'encontre de Chion-Ducollet


Une chanson d'un certain Jean Becarre éditée et vendue 0,25 franc, sortie lors de l'affaire des Robes Blanches. (musique et paroles).

Poèmes ou chansons non signés


1. Le Bâtard de Valentin

Notre pays possède en ce moment
Un tabellion impitoyable
A l'audience il fait prêter serment
Aux plaideurs les plus intraitables
On dit qu'il nous vient de Sinard
Que de Valentin il est le bâtard
Qu'il est aussi méchant que bas
Chion du collet jusqu'en bas.

C'est lui qui est notre maire, dit-on
C'est lui qui gouverne La Mure
D'être érudit il a la prétention
Pourtant la chose est moins que sûre
Il est mouchard, nous le savons
Richement payé pour ses délations
Il est aussi méchant que bas
Chion du Collet jusqu'en bas.

Il est officier aussi, riz, pain, sel
Il fait la guerre à la colique
Et vous récite par coeur le missel
Puis, crie : vive la république
Le guerrier n'est pas emprunté
La pièce humide il tire à volonté
Son canon il met sous son bras
Chion du collet jusqu'en bas

Tabellion = notaire




En se dressant de toute sa hauteur
Il dit : je suis opportuniste
Moi qui connait cet ignoble menteur
je sais qu'il sera monarchiste
Le jour où palpant des écus
Au plus offrant il se sera vendu
Ah ! qu'il est vil, ah ! qu'il est bas !
Chion du collet jusqu'en bas

Éloigne-toi, disparais, intrigant
Qui prétend passer pour habile
Tu peux largement te payer des gants
Avec la monnaie des reptiles
Va-t-en bien vite au Monestier
Pour exercer ton infâme métier
Car de toi, les murois sont las
Chion du collet jusqu'en bas

A l'avenir, mes chers concitoyens
Soyons un peu plus perspicace
S'il nous arrive quelque malandrin
Vite qu'on le mette à sa place
Soyons unis, faisons le bien
Et que de barbe on se méfie bien
Devant Conard parlons plus bas
Chion-Ducollet ne nous dénoncera pas.


2. sans titre

Hélas ! voici le Ministère
Encore une fois blackboulé
Pauvre France, que vas-tu faire ?
Un bon conseil... Prends notre maire
L'illustre Chion Ducollet

Il est à Paris qui visite
Tour à tour le papa Grévy
Puis Boulanger qui périclite
Goblet qui déjà plus ne vit.

C'est Guillot qui sert de pilote
Le beau joueur d'ocarina
Chez Sombreuil, la belle cocotte
Qu'avec Vergoin il patronna.

Notre enduré célibataire
Chion, devient triomphateur
Et la lionne téméraire
Le prend déjà pour son dompteur.

Le dos carré, cette encolure
Lui semblent de puissants attraits
Cupidon, maire de la Mure
S'apprête à décocher ses traits.

Mais voici que cette voix grêle
Qui sort de son cou de taureau
- Il l'adoucit encore pour elle -
Produit un effet tout nouveau.

Il lui semble d'une couleuvre
Toucher le corps froid et gluant
Ou le bras visqueux d'une pieuvre
Elle chasse ce Don Juan

Ah pauvre maire de la Mure
Paris t'offrait quelques succès
Mais, hélas, trop sombre aventure
Il prend du haut mal un accès

Le ministres font la culbute
Boulanger Dauphin et Goblet.
Pauvre Pernette, c'est la chute
Nouvelle de ton pot au lait.

Déjà tu voyais les ministres
Les députés, les sénateurs
De nos chemins parfois sinistres
Admirant les belles honneurs



Déjà tu voyais ta poitrine
Briller de la croix d'honneur
Tu te voyais sous la vitrine
En beau portrait de sénateur

Il faut subir ce coup de foudre
Il faut descendre des hauteurs
Et revenir jeter la poudre
Aux yeux de tes sots électeurs.

C'est un nez bel d'ornithorynque
Qui fait de l'ombre sous ton front
Et le prince de la Meringue
Voit le sien courbé en rond.

Allons, compagnons de voyage
Marris il vous faut revenir
Montrer ici votre visage
Paris vous laisse un souvenir

    Amis, vous pouvez encore voir

Dans cette marche triomphale
Aux pieds d'une senorita
Non pas Hercule aux pieds d'Omphale,
Guillot touchant l'ocarina

Avec Vergoin qui fait la trogne
Ils se disputent la Sombreuil
Cercassienne sans vergogne
Qui s'en moque du coin de l'oeil.

Vous y verrez Jean des Sagnettes
Sous les traits d'un tabellion
Disant en patois des sornettes
Et posant pour le beau lion

Vous y verrez Charles Canard
Qui se plaint qu'on le calomnie
et qui court bien plus qu'un renard
Un renard de Californie

Puis, Barbe qui devient célèbre
Reporter d'un homme connu
Qui depuis peu nous est venu
D'un pays en deçà de l'Ebre.

Concerne le premier voyage à Paris de Chion-Ducollet maire piloté par Louis Guillot, député et conseiller municipal, en avril 1887. Jules Grévy est président, le général Boulanger est ministre de la guerre et René Goblet président du conseil du 11 décembre 1886 au 17 mai 1887.


3. Une nouvelle constellation

Enfin, enfin, le voilà maire
Le propre et beau Chion Ducollet
Il n'est plus petit gringalet
C'est l'illustre et galant notaire

De ce scintillant Phaéton
Partout on fête la naissance
De ses rayons d'incandescence
Illumine tout le canton.

Depuis mille ans la sombre Mure
Privée d'un génie créateur
Gisait mourante et sans docteur
Dans la nuit froide et la torture.

Mais il paraît l'astre sauveur
Le nom seul du nouveau burgrave
Au parfum si doux, si suave
En peut égaler la splendeur

C'est l'empereur des cloutiers
Le roi des cabaretiers
Le patron des charbonniers
Le flambeau des chiffonniers
Un artiste en médisance
Un docteur en arrogance
Adorateur de la panse
Un affranchi de conscience
C'est le dieu des huguenots
L'idole des parpaillots
Le fléau des gens dévots
L'oracle de tous les sots.

Une constellation radieuse
Forme sa rayonnante cour
Jamais n'avait luit si beau séjour
Sur la Matésine brumeuse

C'est l'empourpré cabaretier
Qui dans son vin de nature
Jamais ne mêla de l'eau pure
En fin connaisseur du métier

C'est le négociant très honnête
Toujours de la fraude innocent
Jamais ne trompant son client
Surtout s'il marche à la franquette.




C'est le reluisant cordonnier
Cousant d'inusable chaussure
C'est un citoyen sans piqûre
En qualité de bourrelier

C'est un alléchant aubergiste
De chèvre et porc vous rassasiant
Toujours aux chiens vous égalant
En bon fidèle calviniste.

C'est un douceâtre confiseur
Des quakers du pur évangile.
Un menuisier ventru, sans bile
Un écumant et chaud brasseur.

C'est la fine fleur du village
C'est le député beau garçon
Tout ce qui sent le franc-maçon
Marchand, tyran de bas étage.

Afin de marcher au progrès
Ils endetteront bien la Mure
Pour tout mettre en déconfiture
Il ne faut pas craindre les frais

C'est qu'en ce temps de république
Le libertin devient sacré
Quand tout brave homme est exécré
L'honneur n'appartient qu'à la clique

Paourous Mirois qué vous sez sots pourtant
De noumma pré mairé in etranzier
Que manquarai pas de foutré lou cam
Quand aou vous avurait bitta din lou femier
Et vous aoutrons timidous counservateurs
Aou vous laissarias per lava lou nas
Pre iquaou vilain troupé de canars
Si vous aya de boun sens et de coeur.


Poèmes ou chansons signés


4. La puissance d'un juge suppléant

Chanson dédiée au grand Ch
        Paroles de Bécus père - musique de Bécus fils
        Tous les trois hommes d'esprit.
        Ainsi soit-il
                     Sur l'air du tra la la...


Jean-Pierre Pellafol expliquez-nous comment
Au juge suppléant on donne tant d'argent
Est-ce pour enquête, est-ce pour vacations !
Ou si c'est simplement pour payer ses espions ?

Sur cet article là mon code reste muet
Mais je vais consulter l'almanach de Sauvet
Il nous fera savoir si l'homme de Sinard
S'en sert pour recruter sa bande de mouchards

On le dit généreux pour ses deux cordons bleus
Qui préparent si bien leur maquereau au bleu
Pour les récompenser à titre de cadeau
Il leur a octroyé le tiers des Théneveaux

Barbe son grand ami, célèbre rédacteur
Va voir changer sa place en celle d'inspecteur
S'il ne lui donne pas de l'argent à foison
C'est qu'il va lui donner sa bénédiction

Canard grand orateur va se voir ennoblis
de n'être plus marié ça lui fera plaisir
Lorsqu'à la plantation nous le rencontrerons
C'est à la Canardière que nous le saluerons










Il discoure aussi bien en patois qu'en français
C'est lui qui fait gagner ou perdre les procès
De Barbe et de Canard se sentant appuyé
Il devient la terreur de tous nos employés.

Quel homme de génie et comme il est puissant
Il ne tiendrait qu'à lui de faire un charlatan
Il est fort pour monter, il sait artistement
A tous ceux qui l'écoutent arracher une dent.

Et dire qu'il refuse d'être député
Cette grande canaille est donc bien effrontée
Prôné par ses agents, par ordre des deux soeurs
Son beau frère Duclos le fera sénateur

Tu as beau te gober mon pauvre tabellion,
Je te ferais toujours la barbe sans savon
Qu'importe qu'on te nomme du clos ou du collet
Au pilori bientôt te mettront mes couplets.

Crois-moi, quitte la Mure, ô mon grand Valentin
Ou, sans cela, au Drac tu iras prendre un bain
Tu ne comprends donc pas que nos vieux mateysins
Méprisent l'homme enflé de fiel et de venin.


Victor Arnaud

Notaire à La Mure à la suite de son père, Victor Arnaud se plaisait à écrire des poèmes, il a publié un livre en vers "Le prince Djem, chronique dauphinoise du xve" que l'on peut consulter sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France et une étude "La Famille de Comboursier".
Royaliste , membre actif du conseil de Fabrique (secrétaire) il fut rapidement un virulent adversaire de son nouveau confrère.

5. Les maires de la Mure, écrit en patois en 1886, au moment de la première élection de Chion-Ducollet.

6. sans titre

On me dit que Monsieur le Maire
Reprenant l'amour de son nom
Nous dit d'un ton assez sommaire
Faites des lieux dans la maison.

Ce nom qu'il détestait naguère
Il en fait un impératif
Et presque un instrument de guerre
D'un genre assez décoratif

On lui répond : notre cuisine
N'a de place dans aucun coin
Pour établir votre machine
Nous préférons aller au loin

Le soir nous partons en famille
C'est même assez récréatif
On se range sous la charmille
Chaque vésuve est très actif

Nous vous prions Monsieur le Maire
Du public nous faisant l'écho
De laisser dormir cette affaire
Tranquille dans son statu quo.

Non ! répond il, pauvre ou bien riche
Que ce soit fait avant trois mois
Allez voir qui signe l'affiche
C'est par moi maire d'autrefois

De vous, de moi, quel est le maître ?
Il faut bien que nous le sachions,
Vous apprendrez à me connaître
En attendant, je signe, : Chions !

7. sans titre

Ah ! quel bonheur ! Ah ! quelle chance !
De voir à mes côtés assis
Le plus aimable des amis
Au coupé de la diligence !

Dans cet étroit compartiment
Il lit dans son coin, moi je pense
Et sans chercher de compliment
Nous gardons tous deux le silence

Pourtant il me parlait jadis
Et me disait : mon cher confrère
Je ne ferai jamais d'affaire
Sans vous demander votre avis !

Mais depuis lors, changement d'allure
Et sans jamais me consulter
Il n'est pas d'affaire à la Mure
Dont il ne veuille s'emparer.

Croyez que c'est par obligeance
Sans doute il veut me soulager
C'est du moins, là, ce que je pense
Me gardant bien de l'accuser

Il est si bon ce cher confrère
Et puis, son parler est si doux
Dévot à se mettre à genoux
Devant la plus minime affaire

Oh ! je bénis la bonne chance
Que j'ai rencontrée aujourd'hui
De voyager avec diligence
Seul, en tête à tête avec lui.

De Grenoble jusqu'à la Mure
Nous ne disons pas un seul mot
Mais croyez bien je vous le jure
Que cela finira trop tôt.

Et lorsqu'il faudra descendre
Nous ferons rire les badauds
Si, comme le font Guillot et Cendre
Nous nous tournons gaiement le dos.



Les deux poèmes qui suivent sont écrits en patois, ils font l'objet d'une étude et d'une traduction par Jacqueline et Alain Duc (Le Monde alpin et rhodanien, 1968, La moquerie. Dires et pratiques.)

8. Lou rats, version originale en patois, suite à un article dans lequel Chion-Ducollet comparait ses ennemis aux rats, aux chats, aux darbons (taupes).
Voici la traduction :

Ah quel plaisir, monsieur le Maire,
De vous voir tant parler des rats ;
Si [elle] vivait encore, votre mère
Vous serrerait dans ses bras

Et vous dirait : Prosper, tu oublies
Que des rats, tu en a été un ;
[Il] me semble que tu siffles trop haut ;
Faut pas rougir de son état.

Tu [ne] parles pas des rats de cave
Qui sont cousins des rats d'égout ;
Moi, j'aime mieux pomme de terre que rave,
C'est une question de goût.

Et si tu ne dis rien des rats d'église ;
Tu en étais pourtant tout petit ;
On les voit monter en chaire,
Pleins de toupet, pleins d'appétit.

Les rats de la Charrière neuve
Ont l'air de se foutre de toi.
Prends garde, ferme ton coffre
C'est ta mère qui t'y dit !

Comme les chats, par les gouttières,
Ils pourraient bien se promener
En passant par les chatières,
Dans tes papiers mettre le nez.

Ces chats de la Mure,
Ces rats qui t'embêtent,
Pourquoi [ne] veux-tu pas qu'ils tempêtent ?
Tu les traites de chats-virés

Tu es bien fier d'être le maire
De quelques Murois abâtardis !
Je crois qu'ils deviennent hardis,
Et que tu cesses de leur plaire.

Pour vouloir toujours t'élever,
Au mois de mai tu pourrais choir
Et un beau jour te trouver
Le cul par terre entre deux chaises.

Crois-moi, mon garçon, vers ton village,
Vers ton village de Sinard,
Tourne les yeux et ton visage
Avant qu'il ne soit trop tard.

la charrière neuve = la Grand rue



9. sans titre et non signé mais on peut sans trop de risque l'attribuer à Victor Arnaud. Par rapport au précédent poème on a deux strophes contenant rats de cave, rave, pommes de terre, l'analogie des deux dernières strophes...
version originale en patois,

Avez-vous changé de veste
Mon beau monsieur d'outre-Drac
Vous qui levez si haut la tête
Et qui faites tant le gros dos

On dit que dans votre jeunesse,
Vous gardiez quelques moutons ;
Il n'y a pas là de bassesse
Car d'Adam nous descendons tous

Alors le nom de votre père
Ne vous faisait pas tant honte,
Pas plus que celui de votre mère,
Mais plus tard, c'est bien arrivé.

On dit que dans les rats de cave
Vous marquiez autrefois,
Mangeant du pain ou bien de la rave
Ou quelques ragoûts de pommes de terre.

Il n'y a pas là de reproche,
Et chacun mange ce qu'il peut,
Il n'y a pas de mal quand on en est proche,
A une fontaine, de boire un coup.

Et bien, alors que le diable,
De vos brebis vous dégoûta,
Et de vous faire connétable
Ou président vous promis,

Il vous conduisit à Grenoble
Et farceur autant que malin,
Il vous dit : je vous ferais noble
Et puissant au dernier matin.

Il vous planta dans la tête
Un tel dégoût de votre nom
Que pour vous, il n'y avait plus de fête,
Vous jaunissiez comme un citron.

Combien de temps dura la jaunisse,
Vous le savez bien mieux que moi.
Quand le Diable fait une niche,
Ce n'est pas vite fini.

Que lui trouvez-vous de si drôle,
Et qu'a donc votre nom de tel ?
Bien d'autres l'ont à tour de rôle
Sans trouver qu'il ne sente pas bon.

Vous, vous n'eûtes ni paix ni calme
Que quand vous eûtes bien payé
Un autre nom qui soit une rallonge
Au lieu de ce dont on vous a baptisé.

Et d'ailleurs, vous aurez beau faire,
De ce vieux nom si détesté,
Vous ne pourrez jamais vous défaire,
Ane, vous resterez bâté.

N'en parlons plus ! Vous êtes notaire,
Vous êtes magistrat, officier,
Il y a là bien de quoi plaire
A quelqu'un d'un peu grimacier.

Vous avez bien dans votre nasse
Tenu les gens de La Mure,
Mais c'est encore une autre race
Que celle dont vous êtes tiré.

Allons ! faites vos grimaces,
Bientôt vous tomberez sur le nez
Et si vous ne laissez pas de trace,
Personne n'en sera étonné.

Alors, il faudra changer de veste,
Mon beau monsieur d'outre-Drac,
Vous baisserez peut-être la tête,
Et vous ne ferez plus le gros dos.



3 poèmes ou chansons signés : D.

10. Chanson dédiée à M. Ducollet Chion

Un tabellion murois s'est figuré, ma foi !
Qu'au pays des matois, seul, il ferait la loi,
Que seul ayant l'esprit, les autres étant des bêtes
Aux mateysins surpris il dirait des sornettes.

Faut-il être imprudent, faut-il être fou,
Faut-il être badaud et se monter le cou
Pour croire un seul instant que l'on nous fera taire
Parce que gabelou a fait place au notaire.

Chacun, ici, mon vieux, a plus d'esprit que toi
Le climat de la Mure est trop rude, crois-moi
Le pays du chardon, des ronces et des prunelles
Ne peut vivre sans toi et veut de tes nouvelles

Quand tu seras là-bas écris-nous bien souvent
Nous garderons de toi un souvenir charmant
Et apprends nous surtout si de ton assurance
Tu retireras l'argent sans aucune méfiance



Tu fus ici choyé et porté jusqu'au ciel
Qu'en dis-tu ? maintenant comme on connait ton fiel
Avec tous les dehors de Valentin ton père
Tu nous cachas longtemps ta langue de vipère

Comme nos cantonniers attache un écriteau
Sur lequel on lira le nom de ton drapeau
Tu cries bien fort ici : "Je suis républicain"
A Grenoble pourtant, tu étais calotin

Avec la même ardeur chaque gouvernement
Par toi sera servi s'il donne de l'argent
Les rôles préférés où tu excelles en l'art
Sont ceux-là de vantard, de cafard, de mouchard.



11. Sans titre

Un peu de réalisme amuse
Malgré ta honte et ta rougeur
Chantons gaiement, ma pauvre muse
Une chanson de vidangeur

Refrain : On ne gagne rien à se taire
               Et je n'ai pas à parler bas
              Je suis Chion le beau notaire
              Chion du Collet jusqu'en bas !


Mais, malgré ce nom trop sonore
Et bien fait pour vous étonner
Chers clients, je suis inodore
Dans la crainte de détonner.

Devant votre foule empressée
Je m'assied dans mon grand fauteuil
Une simple chaise percée
Flatterait bien moins mon orgueil

A la ville et à la campagne
Je me présente honnêtement
Aux bonnes gens de nos montagnes
Faisant mon petit boniment !



Comme un matouin de Molière
Suivant monsieur de Pourceaugnac
Monsieur Carpin vient par derrière
Et me vante ab hoc et ab hac !

Je pénètre dans les familles
Et là, je dis avec onction
Papas, mamans, garçons et filles
Oncles, neveux ! c'est moi, Chion !

Vous avez des pots et des chaises
Autour de moi, jeunes et vieux
Assis en rond, prenez vos aises
Je rédigerai de mon mieux.

Je me charge de votre affaire
Et vous aurez satisfaction
Car dieu merci ! je peux tout faire
Sauf, en cas de constipation !

Refrain : On ne gagne rien à se taire...



12. Un nom propre ! Chion Du Collet !

Chers murois, il est un notaire
Jeune et brillant comme un soleil
Qui vous offre son ministère
Avec un brio sans pareil

Le doux nom de cet oiseau rare
Est un nom propre apparemment
Mais il est quelque peu bizarre
Et cause quelque étonnement

Vous avez gâté votre affaire
Monsieur Chion ! Je ne vois pas
Ce qu'un collet avait à faire
Avait à faire... en pareil cas

Et votre nom patronymique
Le collet que vous ajoutez
Rend l'entreprise très comique
Très comique... vous le sentez !

Chion du Collet ! Saperlotte !
Il faut pour en arriver là
Que l'habit serve de culotte !
Le beau costume que voilà !



Mais peut-être, ai-je tort de rire
Et peut-être, avez-vous raison
Chion tout seul, il faut le dire
Ne sent pas sa bonne maison.

Et le collet qui l'accompagne
Le relève si fièrement
Qu'un paladin de Charlemagne
l'eut jalousé certainement.

Ce noble et brillant appendice
Lui communique un chic exquis
Que le bon public applaudisse :
Vous voilà duc, comte ou marquis !

Le collet m'avait paru drôle
Parbleu ! me disais-je surpris,
On lui donne un singulier rôle !
Mais à présent, j'ai tout compris.

Vous avez trouvé là, compère
Le remède qu'il vous fallait,
De nombreux clients, je l'espère
Se laissent prendre au collet.




Ces oeuvres (!) locales doivent représenter un échantillonnage significatif de toute la production, elles sont du même cru que les nombreux écrits en prose avec un thème favori, le nom. On n'en connaît pas la diffusion, large ou certaines réservées à un petit cercle ?
Une seule sort par le haut (7), elle aurait pu être titrée Dos à dos, ravissant poème, sans les vulgarités habituelles, qui décrit une situation plutôt ridicule. Il y a probablement une allusion à cette réunion du conseil de Fabrique en 1887 où Chion-Ducollet s'était invité, Victor Arnaud s'était installé en lui tournant ostensiblement le dos ! On sent un peu de jalousie d'un notaire héritier d'une étude bien installée vis à vis d'un nouveau confrère très ambitieux qui en plus de son appétit politique veut développer son étude.

Date de publication. Seul le poème en patois (5) est daté, 1886, l'année où Chion-Ducollet conquiert le pouvoir. Tous semblent écrits entre cette année et la réélection de mai 1888 :
- On parle plus du notaire et du juge que du maire. Le thème de 2 est le premier voyage de Chion-Ducollet maire à Paris en avril 1887 pour faire avancer ses dossiers.
- C'est avant l'affaire des robes blanches car on n'y trouve aucune allusion.
- On lui demande de s'en aller et de rejoindre Sinard, de l'autre côté du Drac. Après une réélection cette demande devient difficile. Victor Arnaud dans 8 lui prédit, parce qu'il a cessé de plaire aux Murois, une possible veste aux prochaines élections du mois de mai. C'est probablement mai 1888 où Chion-Ducollet est brillamment réélu et où l'opposition n'a pas présenté de liste, 10 opposants obtiennent entre 6 et 36 voix, 12 pour Victor Arnaud ce qui lui a probablement ôté l'inspiration.

Dans 1 on l'accuse de cupidité et dans 2 on invente une aventure privée, deux points où l'opposition, qui devait pourtant être à l'affut, n'a pas réussi à le prendre en défaut. On s'accorde à dire que la politique a plus couté à Chion-Ducollet qu'elle ne lui a rapporté, quant à sa vie privée on ne sait rien.

Chion-Ducollet écrit en 1889 :"Je ne relèverai pas non plus toutes les turpitudes, toutes les vilenies, toutes les bassesses, toutes les calomnies qui circulèrent sur mon nom lors des élections de décembre 1886. Ma mère, ma pauvre mère défunte elle-même ne fut pas épargnée par les écrivains anonymes de cette époque, écrivains dont la plume ne connaissait plus ni bornes, ni pudeur ; c'est, d'ailleurs, le seul côté de la polémique qui me soit resté sur le coeur, car je pensais qu'au moins les morts seraient respectés."


Poèmes ou chansons dans la presse nationale

Si la production locale semble se calmer, l'affaire des robes blanches va donner lieu à une explosion d'articles dans les presses de toutes les régions et la presse nationale, peu sont en vers, nous en citons trois .

13. Celle citée en légende à l'image du haut de page.

14. Monsieur Chion-Ducollet, Le Constitutionnel, quotidien politique de septembre 1891.




15. Romance, Le Figaro du 13 septembre 1891 en première page


Elections de 1892

Nous avons vu que les élections municipales de 1892, après l'affaire des robes blanches, ont été très agitées et contestées.

16. La Muroise sur l'air de la Marseillaise, un exemplaire de cette chanson annotée par Chion-Ducollet a été mis dans le dossier présenté au Conseil d'état :
"publiée et chantée à La Mure par les confréries de femmes et les amis de M. Tagnard 15 jours avant les élections"


Plus tard, Chion-Ducollet député

17. Les Idées philantropiques d"un gros bonnet de la Mure, chansonnette inédite , non datée, signée "Simonin" (?) dans laquelle on lit conseiller, député altier.

Mai 2015
Un excellent complément à cette page : Duc Alain, La Mure sous Chion-Ducollet : l'état des lieux, dans Mémoire d'Obiou N°20, avril 2015, pp. 99 à 109.

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