Route de Nantizon à Versenat, La Sausie, le hameau disparu des Merlins et le terminus de la route où l'on prend en voiture le chemin de terre (tracé en blanc). A pied avant la jonction entre l'ancien chemin menant à l'alpage et le nouveau qui évite l'effondrement. On suit l'ancien chemin, aujourd'hui encombré par la végétation (tracé en jaune), environ 1 km de marche. Attention aux périodes très humides !
Voici ce que nous rapporte Pierre Berthier :
UN PHENOMENE DE LA NATURE
Le ruisseau de la Jonche se réunit au Drac au-dessous de Cognet. Le 28 mai 1853, un phénomène naturel se produisit dans ce ruisseau. A deux kilomètres du village, sur la route départementale de La Mure à Mens, à quelques kilomètres du pont de la Clayta, il se fit un éboulement dans le lit de la Jonche, en forme d'entonnoir. Le pont de la Clayta se lézarda immédiatement et de nombreuses crevasses apparurent sur les terrains environnants et sur la route. Au bout de quelques jours la circulation fut interrompue et petit à petit le pont s'écroula, malgré sa solidité.
Sa construction datait de 1820 et l'ouverture de son arche était de 16 mètres. Le gouffre grandissait tous les jours ; il atteignit jusqu'à 50 mètres de profondeur. Les eaux de la Jonche y disparaissaient sans que l'on ait pu connaître leur sortie. Dans ce trou immense on précipita d'énormes pièces de bois, des arbres, de la broussaille, tout y disparaissait. Par suite de cette déviation des eaux, les moulins de Cognet furent arrêtés un certain temps.
En septembre de la même année, les eaux reprirent leur cours normal sans qu'aucun travail n'ait été entrepris pour cela. De mémoire d'homme, jamais semblable phénomène n'avait encore été signalé.
En 1912, le même phénomène se reproduisit. De nouveau, après une grosse crue, les eaux de la Jonche disparurent dans un gouffre assez profond formé par un éboulement à 30 mètres environ en amont du précédent. Cette fois encore il fut impossible de savoir où sortaient les eaux capricieuses de la Jonche assez forte dans cette saison. On recommença les expériences des arbres, de la broussaille, des produits colorants, mais toujours sans plus de succès. Au bout de quelques mois de « désertion » la Jonche reprit normalement son cours.
On peut lire la même histoire, écrite par Claude Muller de façon plus journalistique, dans son livre "Les mystères du Dauphiné", retranscrite dans un fichier pdf .
En 1969, une cavité de 40 m s'ouvre dans la Combe des Merlins à proximité du village, provoquant la disparition du ruisseau.
Remblayée l'année suivante, elle réapparait plus grande en 1971. Le village est affecté : lézardes dans les murs,
fissures dans le sol. Le village est évacué et démoli mais on conserve la chapelle.
En 1985 des effondrements autour de la chapelle provoquent des fissures, le bassin communal voisin disparaît.
On détruit la chapelle en 1994.
On peut lire un excellent article sur l'histoire de ce village dans le numéro 14 de "Mémoires d'Obiou" :
"Les Merlins, un village rayé de la carte" par Madeleine Casanova.
Il n'y a pas de plaque pour perpétuer le souvenir de ce village que l'on traverse sans s'en rendre compte.
Plan de René Bar. Le hameau comptait 45 habitants en 1950. La route actuelle passe dans la partie haute, la végétation rend difficile toute reconnaissance des lieux.
Le 8 septembre 1984, dans la combe de Prunières, la route sylvo-pastorale qui mène à l'alpage du Senépi est coupée
par des fissures et un trou de 4 m de diamètre. Ce trou, en mars 1985, avait une profondeur de plus de 35 m et
un diamètre d'une vingtaine de mètres.
En juin 1985 on comble le trou avec 10 000 m3 de remblai.
A la fin de l'été 1986 le remblai s'est tassé de 4 m et il disparaît en juillet 1987.
La route de l'alpage est modifiée et l'effondrement est réaménagé en 2001 comme on le voit sur la photo ci-dessous.
En 1985 un autre effondrement se produit dans les bois à 500 m au sud.
Réaménagement de l'effondrement, en 2001. Remblaiement, parois reprofilées et plantation de pins
sylvestres.
Modification de la route sylvo-pastorale après une étude et la présentation d'une "carte du
risque d'effondrement karstique à l'aplomb des travaux miniers"
Pour comprendre la géologie de Senépi, et en particulier du secteur de la combe de Prunières qui nous intéresse,
il faut se référer à la page
Senépi du site Geol-Alp.
On constate :
- La forte présence de Trias en discordance sur le houiller et recouvert par le calcaire de Laffrey, ces trois formations
pouvant apparaître à l'affleurement selon la tectonique et l'érosion. Ce Trias comprend des marno-calcaires,
des calcaires dolomitiques, de l'anhydrite et du gypse.
- Le chevauchement du Senépi et plus près une faille importante, de direction nord-sud, la faille de Touage et de la Pierre Plantée.
En ajoutant les écoulements des eaux venant de plus haut on a toutes les conditions pour avoir une dissolution des roches triasiques
broyées, les vides entraînant la rupture du plancher supérieur, ici en calcaire de Laffrey.
Les anciens mineurs étaient (et restent ?) persuadés que les galeries de mine étaient responsables de ces ennuis,
la RTM a géré ce problème et fait les études nécessaires
pour faire la part des choses. L'analyse des gaz dans les cavités n'a pas détecté les gaz que l'on rencontre dans
les exploitations houillères tels que le monoxyde de carbone, le gaz carbonique, les oxydes d'azote, l'hydrogène sulfuré
et l'anhydride sulfureux. D'autre part il a été estimé que l'influence du foudroyage dans le houiller n'aurait
fracturé que les premiers bancs de la base du Trias sur quelques dizaines de mètres puis amortissement du processus qui ne pouvait
se propager jusqu'à la surface.
On pourrait rajouter que dans ce que nous avons rapporté des années 1853 et 1912, il n'y avait pas de galeries à proximité.
Tenant compte du fait que les travaux miniers ont probablement modifié le système hydrologique et de ce fait ont pu réactiver
le processus de dissolution, la conclusion officielle est de dire que les effondrements résultent de la concomitance
risque naturel - risque industriel.
Pour en savoir plus sur l'étude RTM consulter : Liliane Besson, Les risques naturels, Ed. Techni-cités, 2005.
La zone est très broyée. On peut voir de nombreux plans de faille repérables par une couche de calcite souvent très épaisse.
Sur la photo, de part et d'autre de la faille, les pendages des strates sont différents. Au calcaire de Laffrey de
bonne qualité succède un calcaire marneux de l'Aalénien.
Ces effondrements naturels dus à la dissolution des roches triasiques gypseuses sont très classiques, ici ils ne sont pas très importants même s'ils ont conduit à la destruction d'un village. Autrement plus spectaculaire a été l'effondrement de Montouvrard près d'Allevard où, le 26 août 2001, disparaissaient 700 m3 d'épicéas engloutis dans un cratère de 150 m de diamètre et de 50 m de profondeur, heureusement loin de toute habitation et en l'absence de promeneurs. C'est un parapentiste, deux jours après, qui a donné l'alerte ! On a pu déterminer précisément le moment de l'effondrement : on a constaté que le dimanche 26 août à 18h26 les sismographes avaient enregistré une secousse dans le secteur de 1,7 sur l'échelle de Richter. Pour voir une photo sur le site Geol-Alp.