A partir du Parking (P)de l'ancienne cité minière des Chuzins, aujourd'hui rénovée, on prend à la sortie du hameau le chemin qui part à droite (tracé bleu).
On rejoint aussi facilement Roche Paviote par un chemin qui part du virage juste après la dernière maison de la Sausie.
Deux lignes dans le livre de Pierre Berthier retiennent l'attention lorsque l'on est intéressé par la géologie :
La promenade de Roche Paviote est facile à faire de la Mure en passant par Nantizon et par la carrière de marbre "punais", (appelé ainsi parce qu'en le martelant il dégage une odeur d'oeufs pourris).
C'est tout ce que nous savons aujourd'hui. Plusieurs passages dans le secteur, avant ce renseignement
n'avaient pas attiré l'attention. Il faut y retourner avec un regard plus affuté.
En effet, rapidement après le départ du chemin à la sortie des Chuzins, il semble évident que l'homme est
intervenu ici : gros blocs de dolomie dont certains taillés au bord du chemin, affleurements exploités.
Nous sommes juste au dessus de la falaise de la discordance des Chuzins et nous sommes dans la dolomie
triasique qui fait suite, dans la stratigraphie locale, au conglomérat que l'on a vu sur le Carbonifère.
On trouve du calcaire marmoréen très blanc en cassure (l'altération le rend grisâtre et peu
différent de la dolomie) et, effectivement il dégage, sous le marteau, une forte odeur de H2S.
(odeur d'oeufs pourris).
Pourquoi cette odeur ? c'est caractéristique des roches qui se sont sédimentées dans un milieu mal oxygéné (anoxique), la matière organique n'a pas été complètement dégradée, la réduction des sulfates donne de l'hydrogène sulfuré qui est resté piégé dans les joints de grains et qui est évacué lorsque l'on casse.
Le début de la carrière.
Gros blocs de dolomie en premier plan
Un affleurement plus important, très accessible en bord de chemin, pourquoi n'a-t'il pas été emporté ?
Un morceau de marbre, il n'est pas visible d'un premier coup d'oeil, la patine d'altération est grisâtre
comme les blocs de dolomie environnants.
Il faut casser et sentir !
Situation générale
On passe au-dessus de la falaise de la discordance et l'on aborde la montée sur la crête où se trouve roche Paviote.
On quitte la dolomie triasique pour le calcaire de Laffrey. Cette crête a une forme de croissant, une partie montante (120 m)
de l'ouest vers l'est. La pente est plus accentuée côté sud vers le vallon des Chuzins en face de Cimon ; l'autre partie,
oriéntée nord-est en direction de La Sausie, pratiquement horizontale et à pentes douces de part et d'autre.
Ces différences de modelé s'expliquent par la géologie, la première partie est en calcaire de Laffrey à strates redressées,
quasiment verticales sur la crête, la deuxième partie est en calcaire marneux (Aalénien).
Historique
Une petite bibliographie qui montre que nos connaissances sont bien maigres sur l'origine et l'histoire
de ce lieu.
- L'Abbé Dussert n'écrit que quelques lignes, il se demande comment le château est devenu la propriété du Dauphin. La première mention R. de Rocho remonte à 1137.
- Pierre Berthier (1939) : Les ruines étaient encore assez importantes en 1880 lorsque la foudre a fait tomber
un grand pan de mur. Dans l'intérieur du château, les souterrains étaient très visibles. Quelques noms de
seigneurs qui en furent les propriètaires entre 1254 et 1490.
- Victor Miard (1965), n'apporte rien de positif sauf un dessin de 1890 montrant le pan de mur restant
après la destruction par la foudre en 1880.
- Renée Colardelle,, Le Pays de la Mure, Bernard de la Fayolle : Roche Paviote a probablement été
une motte castrale au temps de la féodalité avant de devenir un château.
- Eric Tasset, 1995, L'Isère des châteaux forts : il y avait probablement une motte castrale au
XIe siècle ou même une fortification antérieure, remplacée par un château en pierre au tout début
du XIIIesiècle.(voir les dessins plus bas)
Ruine du château de Roche-Paviote
Dessin de Em. Desmoulins (1890)
"La Mure et la Matheysine", V. Miard
Extrait du dessin fait en 1580 par Ercole Negro, ingénieur au service de Lesdiguières,
à l'occasion du siège de la Mure.
On peut trouver la reproduction de ce plan dans René Reymond, Histoire Mémorable Du Siège De La Mure
En L' An 1580 , 1979.
Le château est noté "en ruines" et au niveau des habitations il y a la mention "village"
Ce que l'on voit aujourd'hui
Une forêt de fayards a tout envahi. Curieux endroit, aujourd'hui délaissé et silencieux, où l'on progresse en
essayant d'imaginer la vie qui a régné pendant plusieurs siècles. En montant sur la crête en aval de la Roche
il nous semble retrouver des traces de construction et de carrières. Une richesse à la disposition des
habitants, le matériau de construction, le calcaire de Laffrey, excellent aussi pour faire de la chaux.
Affleurement ou vestige de construction ?
Il faudrait faire des fouilles !
En bord de falaise les strates de calcaire de Laffrey sont quasi verticales
Un excellent calcaire à disposition pour les constructions
Il faut vraiment arriver à côté pour voir la Roche Paviote, elle est cachée par les arbres. Nous sommes sur
un replat au pied du rocher en rupture avec la crête en aval. Pour isoler le château on a retaillé le rocher
et enlevé une partie de la crête ce qui crée une surface à peu près plane. En montant au niveau supérieur
on croise des restes de terrassements : fossé, place des fortifications, chemin d'accès ?
On arrive a la plate-forme qui était la basse-cour, où se situaient les bâtiments, au pied de la partie
sommitale de la roche sur laquelle était édifié le donjon. La partie plane au sommet est de 8 m sur 5 m.
On a isolé le rocher en aval en cassant la crête, probablement pour des raisons de défense et pour créer
une surface plane. Le château est installé plus haut, au niveau du trait jaune.
Au niveau du trait jaune de la photo précédente. Nous sommes dans l'enceinte du château, dans la basse-cour
de seulement 40 m sur 20 m au pied du rocher.
Eric Tasset nous autorise aimablement à reproduire deux dessins : Le château de Roche Paviotte au XIIIe siècle (Essai de restitution) tirés de son livre "L'Isère des châteaux forts".
Panorama à partir de la petite plate-forme (1087 m) sur laquelle était édifié le donjon.
A gauche, au premier plan, Breydent (1140 m) qui eut aussi un ouvrage fortifié,
Cimon un peu plus haut, 1209 m, limite la vue côté Obiou dont on voit juste le sommet.
L'ancien village des Chuzins
Le dessin d'Ercole Negro, fait en 1580, signale que le château est en ruine de même celui de Breydent. Il montre
des habitations tout au long de la descente en mentionnant "village", ce qui laisse à penser que le village
de Nantizon-les Chuzins était situé là. Ce qui semble logique puisqu'il n'était probablement pas installé dans
les parties basses situées dans les marais hérités du lac glaciaire et qui ont été aménagés plus tard suite à
la construction de la route Grenoble-Gap décidée en 1750 qui remplace la très ancienne voie qui passait de l'autre
côté des lacs.
P. Berthier écrit : "De nos jours, les mines du Villaret sont un véritable bouleversement de la région,
surtout dans la petite plaine de ce hameau. Il y a à peine 30 ans, ce coin de marais servait de pâturage aux animaux
de l'endroit."